A vous lire tous, comme vous m'avez lue, je suis d'accord avec pas mal d'entre vous (il est rare que je sois d'accord avec quiconque autre que moi-même
) : nous avons des pratiques variées et chacun voit midi à sa porte.
Je ne raisonnais pas ainsi quand j'étais jeune.
A 23 ans, je pesais 63kg et je portais 75kg de raisin dans les vignes autour de Martigny, avec des claies archaïques en ferraille et bretelles de cuir, toute la journée de 7h à 18h mais ce n'était pas sur des parcours longs. "Sur les Scex", la seule vigne où il fallait porter à la montée et surnommée "le calvaire", je ne portais que 50kg.
A l'époque je montais en refuge avec mes stagiaires en portant 35kg, cela pouvait durer 3 heures mais porter m'épuisait, alors je mettais le turbo pour faire durer la corvée le moins possible. Il est vrai qu'à 25-26 ans je montais à plus de 1000m/h avec un sac "normal" de 12kg, je grimpais même en tête de cordée dans du +V/VI (à Chamonix, pas dans les Dolomites).
Avec 40 ans de plus, des vertèbres esquintées, des chevilles raides (mais très solides
), un genou en attente de prothèse et plein de kilos de gras en trop, le tableau n'est plus le même. Je "plafonne" à 700m/h sur une heure, 600m/h sur 2 heures et 500m/h sur la demi-journée, c'est encore honorable à mon âge mais c'est au prix d'un allègement drastique de ce que j'ai à porter.
Mon abandon dans le Raid Chamois en 2008, à 60ans, suscita pas mal de réflexions. J'ai alors investi dans un sac-sellette RipAir ultra-léger (1kg, on fait mieux depuis) et la plus légère des voiles du marché : l'Ultralite 19 (2,5kg). Ce matériel me permit de ne pas souffrir sur le Mont Blanc (je n'ai jamais senti le sac à la montée, dans lequel il n'y avait que la voile). J'ai aussi bouclé tranquille le Raid Chamois.
Ma petite Ultralite étant devenue très paresseuse au gonflage après 5 ans de bons et loyaux services, je l'ai remplacée par la U-Turn 21 qui pèse 2,6kg. La 19 pèse 200g de moins et l'Ultralite 3 pèse 300g de moins, mais j'ai choisi la 21m² pour avoir une meilleure tenue en l'air et profiter davantage de mes vols-rando... et quand les conditions promettent un joli soaring en altitude, je prends la Diamir (4,3 kg).
A l'aiguille du Midi c'est le contraire : s'il n'y a pas de vent je prends la Diamir (il n'y a quasiment pas à porter et c'est en descente) et s'il y a de l'air c'est en général assez costaud donc je prends la U-Turn.
Mon raisonnement ne vaut que parce que j'ai investi dans plusieurs voiles. Quand on en a une seule, le problème se pose différemment et il convient alors de traquer tout ce qui est lourd et dont on peut se passer.
En septembre j'ai emmené les "vieux" du club dans la montée au déco de Montmin depuis l'atterro de Doussard, 800m de D+. Seule et avec mon matos léger, je mets 1h15 / 1h20. Avec les copains, j'ai mis 2h30 et je portais une Blacklight 26 avec une sellette réversible Escape 2 contenant aussi un secours, un casque etc, matériel lourd dont le propriétaire portait mon sac (sinon à 74ans il ne serait pas allé au bout). J'ai fini avec un vieux mal de dos et d'épaules mais pas fatiguée du tout.
Je n'aurais pas porté des machins aussi inadaptés sur le Mont Blanc.
Faire un vol-rando de temps en temps à un train contemplatif est compatible avec un sac lourd et une grande voile pour voler longtemps en décollant en altitude, donc le secours et le casque sont naturellement au rendez-vous. Moi je fais un vol-rando chaque matin quand les conditions météo le permettent (environ 120 cette saison) et j'ai des moyens physiques limités, j'ai donc une autre façon de voir le problème. Quand j'ai fait 1100m le matin et que je remonte 700m l'après-midi (en pleine digestion) pour aller faire du soaring, le sac léger est un véritable bonheur.
Dans le même ordre d'idées, je suis une adepte inconditionnelle de la bouffe lyophilisée quand je pars en raid à skis, tout est optimisé pour n'avoir pas à transporter des gamelles, juste un Bleuet que j'ai aménagé pour fonctionner en plein vent et dans le froid, avec une boîte de lait Guigoz en alu pour chauffer l'eau ou fondre la neige.
J'ai même bricolé un petit outil pour tenir les skis ensemble par les trous des spatules (25g) et les tirer dans les passages raides pour n'avoir pas à les porter... ce qui allège aussi le sac de la corde, du piolet et des crampons.
C'est assez dire que j'ai une expérience du portage sur toute une vie.
En montagne, quelles que soient les conditions de la sortie, je suis inconditionnelle du léger. Les kilos en trop cela fait de la fatigue en plus, cela coûte du temps et donc c'est mauvais pour la sécurité et cela diminue le plaisir.