C'est justement par ce que c'est du loisir qu'il y a bcp de prises de décisions qui se font sur de l'émotionnel... Et surtout ce point : "je n'ai pas volé depuis longtemps et l'envie est là, bien présente", ou le "j'ai fait tout ce déniv, trop les boules de redescendre à pied", ou encore "j'en rêve depuis si longtemps, aujourd'hui c'est le seul jour où je peux", voire même "me suis trop pris la tête au boulot ce matin, je fonce voler cet aprèm"...
Tous les jours des décisions de vol sont prises sur ces facteurs émotionnels ; si le vol n'était pas émotionnel, il n'y aurait plus personne en vol, ni même les pros, puisqu'ils réalisent les émotions des autres.
Au contraire, les évoquer, savoir qu'elles participent au décollage, et même au vol lui-même est important pour apprendre à les prendre en compte et les canaliser au mieux.
Bonjour,
Je trouve qu'il y a beaucoup d'infos intéressantes sur ce post.
Il est tout à fait clair que les facteurs émotionnels ou subjectifs interfèrent avec notre décision de décoller ou non.
Prenons l'exemple :
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J'ai fait tout ce déniv, trop les boules de redescendre à pied.--------------------
Je pratique le parapente en haute montagne depuis plus de 20 ans (c'est pour cela que je me suis au parapente) et je sais très bien depuis le début de ma pratique qu'il y a vraiment un gros risque à vouloir décoller à tout prix lorsque l'on est là-haut, histoire d'éviter des heures et des heures de descente fatigante et éventuellement compliquée.
Je crois que j'ai vraiment intégré dans ma tête qu'il vaut beaucoup mieux renoncer au vol (même en haute montagne !) si on ne le sent pas, même si d'autres pilotes ont décollé et même si la descente à pied va être longue et laborieuse.
J'ai cela quelque part dans ma tête pendant l'ascension et le vol sera éventuellement la cerise sur le gâteau, mais je pars toujours avec l'idée que le vol n'aura peut-être pas lieu...
J'ai réalisé un paquet de vols en haute montagne, mais j'ai aussi marqué quelques (rares) buts, alors qu'il aurait sans doute été possible de décoller (?).
Je suis ainsi redescendu, avec la voile sur le dos, du sommet du Mont-Blanc ou du Dôme des Ecrins alors que le vol aurait peut-être été possible, mais je ne le sentais pas...
Exemple : au sommet du Mont-Blanc, avec des amis, le vent était trop soutenu pour décoller en sécurité à mes yeux.
Nous avons rencontré là-haut Zébulon (que je connais bien), sa femme Claire et des clients à eux.
Zébulon est descendu sous le sommet pour aider ses clients à décoller et il nous a proposé de nous aider à décoller (sympa et sécurisant de sa part !).
Je ne sentais vraiment pas le coup et j'ai refusé son offre, en espérant que nous pourrions décoller de plus bas (du Dôme du Goûter ou du refuge Vallot).
En fait nous sommes redescendus à pied jusqu'à Chamonix (nous sommes arrivés trop tard pour la dernière benne de l'Aiguille du Midi) après avoir passé un temps fou à sortir du labyrinthe de crevasses de la Jonction sous le refuge des Grands Mulets.
Nous sommes arrivés à minuit à Chamonix et je n'ai jamais regretté de ne pas avoir accepté l'aide proposée par Zébulon (le vol aurait sans doute eu lieu et je ne vous parle pas de la descente à pied du sommet du Mont-Blanc jusqu'à Chamonix en étant partis le matin vers 2h30 du refuge des Cosmiques...
).
Des amis me disent parfois que je prends trop de marges pour envisager mes vols et que je pourrais accepter certaines conditions qui me semblent quelque peu foireuses.
Chacun de nous met son propre curseur au niveau qu'il souhaite.
Je préfère être trop prudent vis-à-vis de mes capacités personnelles plutôt que pas assez.
De toute façon je n'ai aucun plaisir à être en l'air lorsque je ne me sens pas bien là-haut (c'est déjà arrivé bien sûr), alors que je connais des amis pilotes qui apprécient d'avoir vécu un vol difficile et "éprouvant" !
Chacun a vraiment son approche par rapport à cela.
Personnellement cela ne me gêne pas d'avoir raté un vol magnifique qui aurait sans doute pu avoir lieu...
Qu'est-ce qu'un vol de plus ou de moins dans une vie ?
La plupart des pilotes que je connais qui se sont fait mal, voire très mal, étaient en général des pilotes qui se donnaient des marges de sécurité très faibles et qui avaient un vrai plaisir à se rapprocher au plus près de leurs limites personnelles.
Ils étaient vraiment contents d'avoir réussi à gérer un vol en conditions difficiles, voire carrément foireuses, alors que je déteste cela.
De toute façon, dès que les conditions en vol ne sont plus agréables pour moi, j'abrège le vol et je vais me poser, et certains pilotes viennent ensuite me trouver en me demandant pourquoi je suis allé me poser alors qu'il était possible de tenir encore en l'air...
Cela ne veut bien sûr pas dire qu'il ne m'arrivera jamais de me retrouver dans des conditions qui dépasseront mes compétences, mais j'aurais pris, autant que je puisse le sentir, les marges de sécurité qui me semblent nécessaires...
Cela n'évitera peut-être pas un jour le mauvais choix et de mauvaises conséquences et j'en suis tout à fait conscient.
A+ Marc