AVERTISSEMENT & MISE EN GARDE
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Les analyses et propositions exprimées dans ce qui suit ne s’adressent qu’à des pilotes confirmés et autonomes.
Comprendre : suffisamment expérimentés et assez matures dans leur compréhension du vol pour apprécier avec justesse ce que pourrait leur apporter les manœuvres complexes décrites ci-après et en estimer les risques bien réels, à fortiori quand ces manœuvres sont effectuées à proximité du sol.
L’auteur ne prétend en aucune manière se substituer au formateur qu’il n’est pas.
Tout pilote, quelque soit son niveau, est invité à se rapprocher d’un moniteur qualifié pour l’accompagner dans sa progression et/ou dans une meilleure compréhension de sa pratique.
Merci de votre attention
A la fin des années 80', sont arrivées sur le marché de grandes ailes très caissonnées (CX, CZ HILLITE, ZX, PHANTOM) qui avaient des taux de chute remarquables pour l'époque mais qui n'avançaient pas très vite quand peu chargées. Certaines - calées plutôt cabrées - présentaient une grande sensibilité au parachutage
Il n'était pas rare de voir monter en thermique des pilotes debout sur les freins, en second régime de vol, voire continuer à monter en parachutal, l'intrados se chiffonnant.
Ces mêmes ailes étaient très sensibles au gradient et aux cisaillements horizontaux rencontrés près du sol, le phénomène étant aggravé par leur lenteur.
J'ai en fait l'expérience en décrochant ma Nova Phantom à moins d’une dizaine de mètres du sol avec moins d'un tiers de frein, coupant en deux avec un talon de chaussure l'intrados d'une Racer flambant neuve étalée au sol sur l'ancien atterro de Montauban de Luchon, dans le retour pendulaire – Sur ce coup là c’était passé « juste », épargnant mes chevilles et/ou mes lombaires !
Sur cet atterro complexe, subissant l'influence de deux bassins hydrographiques situés en amont (la Pique et la vallée d'Oo), la brise de vallée pouvait être encore bien établie une cinquantaine de mètres au dessus du sol alors que l'air froid descendant s'insinuait lentement dessous, baignant l'atterro d'une brise descendante sur une épaisseur de quelques dizaines de mètres du sol -parfois beaucoup moins si l’on avait la malchance de ce présenter à l’arrivée de cette langue froide- en fin d'après midi.
Sur le secteur très encaissé de Saint-Béat (31), nombreux sont les champs exposés à ces phénomènes, tout particulièrement sur le secteur de Lez.
La prévention de ces mauvaises surprises sur des atterrissages exposés à ces phénomènes dangereux passe par la disposition de flammes aux quatre coins du terrain et leur observation avant de s'engager en finale.
En l’absence de flammes, comme c’est le cas en cross, un des rares indicateurs de ce phénomène est le déclenchement de vigoureuses bulles thermiques près du sol.
Dans ces configurations dangereuses (et à éviter autant que faire se peut !), j’ai choisi d’appliquer une tactique qui peut paraître iconoclaste : faire du gradient mon allié plutôt que mon ennemi !
Et j’ai plaisir à savoir que je ne suis pas le seul
Je ne sais pas si tous les lecteurs de Parapente Mag ont bien compris les propos de Luc ARMANT en page 65 de son article paru dans le No 152 – je cite :
« si l’on doit poser dans une clairière profonde avec forte brise, y’a un bon truc à savoir : en vent arrière, l’effet du gradient est inversé. »
(…)
« Pour toutes les vaches, privilégier un accès par le côté le plus bas, le moins obstrué, quelque soit le sens du vent. Mieux vaut atterrir vent arrière avec une belle finale (bien stable et contrôlée) qu’atterrir vent de face mais en virage ou en abattée à cause d’une finale trop longue ».
Je rajouterai : si le sol sous vos pieds défile alors « carrément trop vite ! » oublier de courir et se concentrer plutôt seulement sur un beau geste de roulé-boulé.
Cela c’est pour le conseil.
Pour l’analyse et la justification… ça va se compliquer un peu !
En vol à voile, le gradient est un phénomène dont les effets sont bien maîtrisés en vol de pente ou au nuage.
On parle dans ce cas de
vol cinétique.
Le principe du vol cinétique est d'exploiter la transformation de l'énergie globale du planeur quand celui-ci passe d'une masse d'air en mouvement à une masse d'air immobile.
Etat initial = un planeur évoluant vent dans le dos se rapproche de la pente à une vitesse plus rapide que sa vitesse air (sa vitesse sol est égale à sa vitesse air plus la vitesse du vent)
Imaginons maintenant qu'il rencontre alors une couche d'air "morte", adhérente au relief (zone boisée, nuage orographique) = emporté par son élan, il va pénétrer dans cette couche avec une vitesse sol égale à la vitesse du vent plus sa vitesse air - cette dernière va alors brutalement s'élever, accroissant momentanément son énergie.
Si le pilote inscrit alors son planeur dans un virage en ressource, esquivant le relief, il va se retourner pour revenir face au vent... quelques dizaines de mètres plus haut.
C’est ainsi que les albatros joue à saute-mouton sur les vagues des océans.
Ce phénomène est exploité à son paroxysme en planeur RC et un modèle réduit de planeur radiocommandé a ainsi atteint plus de… 800 km/h ! Ambiance :
(
http://www.youtube.com/watch?v=rfoxjNg-eg0)
Attendez la fin de la vidéo pour voir... et comprendre la finesse du pilotage
Plus d'info :
http://hubpages.com/hub/Worlds-Fastest-RC-Plane http://en.wikipedia.org/wiki/Dynamic_soaringA ma connaissance, un seul pilote de vol libre a tenté et réussi ce tour de force incroyable : l'anglais John Sylvester.
Volant sous une mini aile Nova taillée comme un « katana » (cela alors qu'il était pilote sous contrat avec une autre marque... qui l’a ensuite remercié…un « esprit libre » ce John...), il est parvenu dans un vent soutenu mais laminaire de bord de mer à rééditer à plusieurs reprise le tour de force suivant : prendre de l’altitude en dynamique, plonger à pleine vitesse derrière une dune, virer et repasser au vent de la dune dans la ressource… No comment !
En parapente « standard », les situations où ce schéma de vol est applicable ne sont pas légions et les gains plus faibles, du fait des moindres performances de nos ailes et aussi des vitesses relatives plus basses.
Mais il est parfois possible quand plusieurs facteurs se conjuguent, d’en faire l’expérience.
Pare exemple pour s’extraire d’un talus de vigne de quelques mètres et faire suffisamment de gain pour accrocher un thermique jusqu’au plafond.
Ou aussi réaliser un bonus de gain inespéré en dynamique le long d'un nuage orographique s’effondrant en fin de journée, dans des lumières de cinéma façon « Vanilla Sky » doivent beaucoup à cet étonnant et méconnu effet.
Dans les deux cas, vous vous appliquerez à piloter de façon fluide d’amples « 8 » en cadençant ceux-ci à la sellette de façon à dégrader le moins possible votre énergie.
A chaque passage vent de dos, vous vous attacherez à prendre un maximum de vitesse pour approcher la pente (ou du flanc du nuage) de trois-quarts face tout en gardant une légère tension sur les commandes pour bien ressentir les variations d’incidence de l’aile.
L’effort dans les commandes passe par un maximum quand l’aile pénètre dans le gradient.
C’est le signe qu’il vous faut déclencher votre virage suivant qui vous ramènera face au vent.
A l’idéal, ce déclenchement intervient lorsque l’aile est revenue à plat et possède sa plus grande vitesse.
L’exercice ressemble ainsi à la réalisation de wing-over amples avec de très faibles taux de roulis.
Gradient de confluenceIl existe un dernier cas de vol au gradient qui nécessite cette fois un pilotage plus engagé.
C'est le cas de convergeances puissantes telles qu'il s'en forme lorsque deux masses d'air différentes buttent l'une contre l'autre sans se mélanger.
Ce front est généralement le sièges de cisaillement peu fréquentables.
Néanmoins, dans le cas où cette confrontation est guidée par un relief tel qu'une antécime couverte de végétation, il arrive que se maintienne quelques minutes -voire plus- devant le relief et en marge de ce cisaillement un écoulement siège d'un gradient assez épais pour être exploité de la même façon que précédemment, à ceci près que son étroitesse nécessitera de réaliser des virages agiles, plus rapides et de rayons plus courts pour maintenir votre aile dans le gradient, toujours dos au cisaillement mais en veillant à ne pas chevaucher celui-ci.