Bonjour à tous,
Petit récit de mon vol vers le Pic du Midi (et Céciré) depuis Loudenvielle, la vidéo est ici :
https://www.youtube.com/watch?v=NEPDIXjpa7IQuand on fréquente la montagne dans les Pyrénées Française, le pic de Midi de Bigorre est un sommet emblématique. Je n’y suis allé qu’une seule fois pour une journée de ski freeride où on a crayonné la face sud 3 ou 4 fois en montant par le téléphérique.
Quand on apprend le parapente dans les Pyrénées et surtout à Val Louron, on pense assez vite à ce sommet. Soit pour un vol rando du matin, mais dès qu’on a réussi à s’élever au-dessus du déco du « 700 » de Loudenvielle, on le voit assez rapidement. Il parait tellement proche ! Mais tellement loin quand on débute !
Ce vendredi 10 mai 2024 c’était le Pyrénées Louron Air Festival à Loudenvielle et avec ces très bonnes conditions, c’est un peu la cohue au déco et surtout dans le premier thermique. La veille je faisais du stop pour monter au déco et Jean Nico s’est arrêté et le lendemain on s’est dit qu’on pouvait voler ensemble. Quand il me dit qu’il prévoit d’aller au Pic du Midi, je me dit qu’il y a quelque chose à tenter : j’ai étudier le trajet plusieurs fois, les conditions sont niquel et pas de contrainte pour rentrer si je me pose en fond de vallée loin de Loudenvielle ! Quand tout est au vert comme cela GO !
Mais si autant j’ai déjà un peu exploré la « haute montagne » au sud ou la vallée de Luchon, je n’ai jamais volé en condition thermique à l’ouest. Donc ça sera vraiment de la découverte pour moi.
J’ai dormi au sommet du Toudous en vol bivouac et re-descendu avec une voile de prêt, la Nova Double Skin. Une petite voile double surface pour la montagne sera surement ma prochaine aile ! Mais il est temps de monter au déco, j’ai refait du stop et c’est Sylvain qui s’arrête (et on fera la montée de l’Estaragne ensemble en ski de rando le lendemain).
Il n’est que 11h quand j’y arrive mais les premiers pilotes s’extraient du déco, déjà ! La journée s’annonce fumante ! Pour éviter les collisions, une personne au déco donne le sens de virage du premier thermique, ça sera à gauche. Avec Jean Nico on se cale sur la même fréquence radio et je prépare mon aile et vers 11h45 décollage.
Montée efficace à 2900m au-dessus du déco et même si y’a 2 ou 3 voiles déjà parti pour la vallée d’Aure je ne vois plus personne. Alors c’est parti pour l’inconnu (et l’au-delà) ! Je triche un peu… J’ai XCtrack et j’ai la position des zones ou cela thermique « bien » donc je vise droit dessus : à droite des granges de Grascouéou. Et faut dire que cela marche niquel : arrivée 2150m au-dessus du relief, je remonte direct à 2700m. Dès que le vario diminue je fonce sur l’Arbizon car là je vois d’autres ailes qui montent très vite. Je vise la pale Est / Nord Est, j’avais bien été briefé : la face sud est une zone « danger de mort » donc on n’y va pas en condition thermique. Alors ça monte vraiment bien, c’est tonique, ca remue, mais ça monte ! Jean Nico est juste a côté, on arrive à 3100m au-dessus de l’Arbizon, le colosse de la vallée d’Aure .
Il me dit go pour le Pic du Midi. Moi un peu plus fébrile, car devant on ne voit plus d’aile, juste une ou deux un peu devant mais surtout au moins 1000m plus bas qui n’aide pas beaucoup à baliser la masse d’air où on est, je ne suis pas sur : alors oui on le voit mieux le Pic, mais on n’y est pas encore, y’a encore au moins 3 ou 4 transitions… Mais derrière y’a au moins 15 voiles qui arrivent et qui ne s’arrêteront pas à l’Arbizon. Donc on temporise 5 min pour avoir au moins 2/3 ailes devant.
Pas besoin d’attendre longtemps, certains sont en gun (voile qui avancent bien plus vite que la mienne quand ils accélèrent) et donc c’est partit vers le Pic.
Moi je suis déjà fou : survoler l’Arbizon c’est juste magique. Je vois le couloir Billon que j’ai skié il y a quelques années et le couloir nord du Petit Arbizon mais aussi ensuite le Montfoncon, puis les deux Soum (Mariannette et Costes Oueillère) où j’ai fait un WE de vol bivouac au-dessus de Payolle.
Mais il faut que je reste concentré car même si les conditions sont très bonnes, si j’accumules les erreurs, je peux me tanker en fond de vallée et fini le Pic ! Donc on soigne les transitions à la faveur des lignes de crêtes et des petits cumulus qui se forment devant nous. Je vise le Soum de Marianette (ou j’ai donc dormi en vol bivouac), rien à prendre donc cap ensuite sur le Pic de Barrassé. Ça reprend un peu, mais juste à coté à Penne Blanque ca monte encore mieux, je remonte à 2900m et direction le Pic du Tourmalet, dernier pic avant « le » Pic ! Et là je remonte bien (très content d’être resté haut, car certaines ailes galères en dessous sous la ligne de crête) vers 3250 m : là c’est gagné : je vais survoler le Pic du Midi en parapente !!!
Jean Nico a pris un peu plus de risque et a foncé direct vers le Tourmalet et est arrivé au pic 5 min avant moi et tourne au-dessus pour m’attendre. Moi je réalise à peine. On voit la ligne de crête qui part vers l’ouest. Mais pour moi c’est déjà tellement fantastique que je me dis : rentrons maintenant ! C’est quand même mieux de réussir à boucler un vol que de finir en stop.
Mais avant je survole le Pic, à 3200m : la face nord-est avec ces couloirs (les Poubelles et la Cuenta), la face sud où la neige n’est presque plus la et surtout la vue sur toute la plaine du Sud-Ouest !
Mais maintenant faut se remobiliser et rentrer. On n’avait rien briefé sur le retour, et naïvement j’ai pensé : on fait le chemin inverse. Mais dès le début ce n’est pas top. Jean Nico est bien 100m au-dessus de moi et je n’arrive plus à monter. Bon tant pis, quand il lance la transition je suis.
Ça ne manque pas, arrivé à Penne Blanque, il passe au-dessus et arrive à bien se refaire. Moi, j’arrive 50m sous le sommet et donc faut que je trouve la bonne face, je perds du temps, je vole bas, je ne connais pas l’endroit, donc faut bien regarder le sens des vallées pour être au vent de la brise et avoir une face qui a déjà chauffée (il est à peine 14h et ce sont encore les face Est qui nous font monter).
J’arrive à remonter à 2700m et là je vois que Jean Nico préfère rentrer par St Lary. Moi je n’avais pas trop regardé et assez faussement je pensais que la réserve du Néouvielle (qu’on a en « gros » pas le droit de survoler, sauf à être très haut) était assez proche de nous. Donc je suis et c’est sur Penne Arrouye puis le Montarrouye que j’arrive « enfin » à bien me refaire et à remonter à 3100m. Ensuite direction le Pic d’Aulon où là j’arrive à faire un gros plein à plus de 3300m. Je suis en gros 5 min derrière Jean Nico mais ce n’est pas grave.
Donc direction le Pla d’Adet. Il y a un thermique à prendre avant d’y arriver et pendant ce thermique où en le quittant, il m’arrive un incident de vol : je pars en décrochage asymétrique, passe à moitié au-dessus de la voile, mais « heureusement » j’arrive ou la voile (…) arrive à tout remettre dans le bon sens… J’étais à une seconde d’extraire mon secours, j’étais encore assez haut (env. 600m sol) et au total je n’ai fait qu’un tour et je ne me suis pas coincé dans une suspente… Bon c’est clairement une faute de pilotage car la voile est partie en décrochage car j’avais trop tiré… Après est-ce que j’aurai pu mieux récupéré… Certainement que oui (et c’est l’objet de mon stage actuel de parapente : simulation d’incident de vol)… Bon ca a refroidi un peu Jean Nico aussi qui a tout vu.
Je me remets de ces émotions et me pose la question d’aller poser en vallée d’Aure, je dois être à finesse de l’atterro de St Lary que je connais, mais vu l’heure, il doit y avoir 30km/h de brise et poser à la verticale m’enchante guère dans ce petit champ… Donc je poursuis le vol. Cap sur Ens car Jean Nico n’a rien trouvé au Pla d’Adet. Il arrive assez haut et moi bien plus bas, sous la ligne de crête, à 1700m. Et avec mon sketch qui vient de m’arriver, voler bas ne me plait pas trop, mais pas le choix. Alors je prospecte sur la face orienté Nord – Ouest. Elle est très bien balayée par la brise, et j’arrive à bien remonter en thermodynamique sans enrouler, juste en la parcourant en soaring.
Une fois arrivé au sommet, toutes les faces se rejoignent et donc leurs thermiques et la ça devient puissant car la face sud doit être très généreuse. Je me concentre à fond pour garder ma voile bien au-dessus de ma tête. Je remonte à 2700m et pas plus car les cumulus commencent à être la et je veux garder de la marge au nuage, transition directe vers le Toudous (où j’ai donc dormi la nuit d’avant) mais j’arrive un peu plus bas que le sommet et il me faut prospecter dans la station de Val Louron, mais la je connais, je suis à finesse de l’atterrissage de Loudenvielle ! J’arrive à bien remonter puisque je fais 3300m au-dessus du Toudous.
Je me sens mieux, j’ai pu directement analyser mon incident, j’ai déconné et donc si je fais attention, je peux continuer à un peu voler. Direction donc l’est et le Cap de Pales ou je ferrai le plus gros plaf de la journée, 3533m ! Vu l’altitude et que le ciel ne devient pas menaçant, j’agrandi le vol vers l’est et traverse la vallée d’Ôo vers le Céciré qui domine la station de Luchon Superbagnères. Par contre une fois là-bas, pas le courage d’aller traverser vers Herran pour aller dans la vallée de Luchon. Car si l’aller je le connais, je ne suis pas certain du retour et de la raccroche. En plus je suis tout seul, Jean Nico est parti en haute montagne et même si on se parle à la radio le vol n’est plus pareil.
Du coup une fois au Céciré, vu ma hauteur, direction direct le col de Peyresourde, je zappe la crête des 6 Pics ou le Cap de Pale. En fait je suis en finesse de l’atterrissage de Loudenvielle. Une fois arrivé dans le bocal, je pars un peu au nord refait un plein à presque 3300m au Pauyaué aidé par un cumulus qui commence à devenir bien joufflu et donc je quitte le thermique assez tôt. Je voulais aller au Montious, mais idem, un beau cumulus y est, donc je pars vers le nord en évitant bien le cumulus. En avion ca serait la taille parfaite pour s’amuser. La c’est la taille parfaite pour rester assez loin !
J’arrive au milieu de vallée vers l’atterro, c’est tout calme, je peux un peu me détendre et repenser au vol de fou (mais aussi à mon incident) … J’attends Jean Nico sur les lacets de la route du col d’Azet pour qu’on pose ensemble. La brise est encore là, mais l’atterro se passe niquel !
Sans être le plus long vol en durée, c’est clairement mon 1er vol où je me déplace « loin » : la où je ne connais pas, où je ne suis pas guidé par quelqu’un (comme en stage), où il faut prendre soit même les décisions !
Bons vols à tous,
Antoine