Samedi matin après une bonne heure de route avec Jéjé, nous voila à l'attero de Beaufort. Le plan du jour c'est cross en partant de Bisanne.
On rejoint Damien à l'attero puis on monte retrouver Stefrex en haut. A première vue la journée s'annonce moins atomique qu'hier, pas de cum dans le ciel, pas un poil de brise...
Je suis d'humeur maussade, je me demande ce que je fais la, c'est super loin, et c'est sans doute encore beaucoup trop ambitieux pour moi. Ma dernière (et première) tentative pour suivre le groupe de crosseur fou s'était soldé par un lamentable tas de 20 min et une vache rock'n'roll au pied du charvin.
Je me dis que j'aurais mieux fait d'aller à Planf en début d'après midi... vers 11h30 Pas mal de fusibles s'élancent et c'est franchement pas encourageant, vu comment tout le monde plombe.
On attend encore un peu et je fini par me mettre en l'air vers 12h00. Immédiatement, ça n'a pas l'air si mal que ça. On dirait qu'on est parti juste au bon moment. Je commence à trouver un bon thermique et remonte gentiment. Je vois Damien au dessus qui grimpe de mieux en mieux. On passe à hauteur du sommet. Damien part déjà en direction du charvin. Jéjé me rejoint et on se retrouve à enrouler avec un GROS rapace (on aurait franchement dit un aigle), il passe à 10 mètres de ma voile, magnifique.
Vers 2500, Jéjé part à son tour, et je le suis, avec peut être 20m de moins. On file sur le charvin. On essai de gratter un peu sur les avant reliefs en cours de route, puis arrive le gros morceau. Je suis encore traumatisé de la fois précédente, mais cette fois ci, cela semble monter plus facilement. Je me colle bien au relief et commence à monter en faisant des S. Jéjé qui a pris une très bonne option dès le début se trouve vite au dessus de moi. Se doutant de mon état d'esprit, il m'encourage et m'incite à ne rien lâcher. Au vario, 1500m ça monte, et de mieux en mieux. Surtout ne pas se relâcher. Gros soulagement quand je passe les crêtes, le thermique est maintenant franc, c'est gagné pour cette étape, et j'aurais déjà eu ma revanche sur ce Charvin.
Prochaine étape Sulens. Damien est déja en train d'en partir, par contre Jéjé dit qu'il galère un peu pour trouver la bonne pompe. Au loin je le vois défricher le terrain, et me jette directement sur le thermique qu'il vient de trouver. Effectivement je galère pas trop ici, et puis la sensation d'être en paysage connu est rassurante (j'ai déjà fais Sulens en rando). Un plein vers 2600m, et cap sur la Tournette. J'ai souvent l'occasion de l'admirer mais beaucoup plus rarement depuis cette face est. Elle est magnifique, encore rempli de neige...
Damien annonce qu'il y a un véritable ascenseur la-bas. Jéjé se fait catapulté à son tour, mais en arrivant je galère un peu plus que prévu. Je suis sans doute pas au bon endroit. Bref en m'y reprenant en plusieurs fois, je fini par avoir suffisamment de gaz pour passer large au dessus de la tournette. Un moment marquant du vol, survoler ce sommet si souvent observé de loin et découvrir le lac d'annecy derrière, d'un bleu éclatant sous le soleil.
Me voici dans mon terrain de jeu habituel. Là le stress descend d'un niveau car je commence à connaitre le coin et je dois pouvoir arriver au moins jusqu'au roc des boeufs sans trop de problème problème. Auparavant, passage par Lanfonnet et dents de Lanfon, en restant vigilant quand même, parce que c'est toujours tonique par ici. Effectivement je me prends quelques bons boulets de canon. C'est limite le moment le plus turbulent du vol. Ma nouvelle Mentor est aussi beaucoup plus vivante (pour mon niveau) que mon Arcus, mais je la comprends vraiment bien, et au final je suis plutôt en osmose avec elle.
Commençant à accumuler pas mal de retard sur le groupe, je décide de couper le parmelan. Je vais plutôt les attendre au dents et me resynchroniser avec eux à leur retour. Finalement, trouvant le temps long, je vais faire une petite balise sur le mont Baret et je reviens sur les dents en même temps que Damien. Re-plein, 2450 ça ira, direction Roc des Boeufs, un peu derrière Damien. Pendant la transition au dessus du lac, je me détends un peu, prends quelques photos, et mange un demi grani (mon seul repas du vol...) A l'arrivée ça reprend gentiment en brise, il y a déjà pas mal de monde ici. J'enroule quelques tours sur une bonne pompe mais je la quitte pour rester au contact de Damien, mauvais plan. Je saute précipitamment la deuxième ligne, en esperant que ça monte bien derrière. Sauf que pas du tout, comme le constate une voile qui s'est mise dans la même galère que moi. Merde ! trop con.
Je m'emballe, j'hésite sur le meilleurs truc à faire. Finalement, je tente un joker en m'écartant un poil en vallée au dessus d'un petit éperon. Mouais, ça zérote plus qu'autre chose. En quelques secondes, j'ai l'impression que mon sort est joué, et j'annonce à la radio que ça sent la vache...
L'autre voile file vers le sud du Roc, je sais pas du tout si c'est une option valable, mais au point ou j'en suis...Je la suis. Sur l'avant relief, je suis à 80m au dessus des sapins. Çà à l'air de monter un poil par endroit, mais très étroit, et la brise rentre fort ici...Je commence à repérer ou poser. Je suis stressé et frustré... En décalant encore un peu en sud vers le Chabert, je trouve un petit truc que je décide de pas lâcher. +0.5 pendant de longue minute, ça monte pas fort mais ça monte. Ça me donne plus l'impression de reculer l'échéance que de vraiment sauver le vol...Mais à force, je me retrouve au niveau du début de la crète du roc, au sud de celui ci. Je me dis que peut être si je saute dessus, ça reprendra en brise comme sur le coté nord. Sauf que face à la brise et dégueulé, je reperds en moins de deux tout ce que j'ai lentement gagné depuis de longues minutes... Non !
Je repars d'où je viens. Moralement je suis éprouvé, je vais abdiquer et trouver un terrain pour poser plutôt que d'insister et faire une connerie. Le reste de la journée s'annonce royal : on a rdv ce soir vers Annecy, la bagnole est à Beaufort et je vais vacher dans les bauges...
Mais je retrouve la même pompe que précédemment, toujours tout doux, voir tout mou. Tout en me demandant si ça vaut bien la peine, je recommence à enrouler par réflexe. Jéjé me voyant mal barré, m'encourage quand même à ne rien lâcher, tout en quittant le roc bien plus haut. Stefrex à son tour y va de sa séance motivation. Merci à vous deux, ça fait vraiment chaud de pas se sentir seul dans ces moments là.
Je remonte au même niveau qu'avant ma tentative vers le roc, 2000m environ. La pompe ne semble pas vouloir monter plus haut. L'option Roc je viens de donner, du coup de regarde au sud, le Julioz. Les jours précédents, ça semblait bien donner au dessus, du coup je vais voir. La encore ça monte sans plus, 2100m. Je suis rejoint par une tempest qui zérote un peu avec moi, puis va se jeter contre le flanc du Trelod. Il arrive dessus complètement dégueulé. Ça m'encourage pas trop à le suivre, mais en même temps, je sens que si je reste la à rien tenter, je vais finir par perdre le peu de gaz que j'ai. Allez zou en tirant un peu vers le sud. En me rapprochant du relief ça remonte un peu, c'est encourageant. Mais surtout je réalise que je suis maintenant juste à coté de la dent de Pleuven et de son "fameux" thermique. Jéjé m'en avait pas mal parlé, un thermique sous le vent, aussi puissant que tonique...
Je décide de tenter, en arrivant super attentif pour gérer du violent. Je me mets sur la pointe, ça démarre doucement, ce doit être par la...et bam, un gros coup dans les suspentes, vite essayer de pas sortir, j'enroule direct, les yeux rivé sur la voile, ultra concentré. C'est tonique mais finalement pas plus que les dents de Lanfon tout à l'heure, je n'envisage pas de quitter la pompe avant d'en avoir bien profiter. Surtout que ça gagne en puissance tout en devenant plus cohérant. +5m/s intégré, le chant du vario me donne vraiment du baume au coeur après l'épisode que je viens de traverver. Le petit cumulus en formation est juste au dessus. L'ascenceur s'arrète à 2880m, c'est pas souvent, mais là je crie ma joie. L'Arclusaz est totalement à porté.
L'Arclusaz...déja ! Je m'en étais fait tout un film, une sensation d'inaccessibilité, et la avec de tels plafs, ça me tend les bras. Allez feu ! transition calme ou je peux enfin me détendre, faire 2-3 photos. Par contre a partir d'ici je suis tout seul, les autres sont trop loin devant. Bon je connais un peu, j'ai pas mal étudié les traces, et puis je demande par radio quelques infos, comme "on vas ou après ?"
. Le Grand Arc, bon je sais même pas ce que c'est...C'est un peu après Chamoux direction Albertville, ok... D'abord faire le plein à l'Arclusaz, là aussi c'est assez tonique, et je suis très vigilant car je me rappelle que certain ont perdu gros ici...Au final le plein est pas aussi bon que je le voudrait mais on m'indique que ça passe avec 2500 alors go. Longue transition, on passe d'un coté de la vallée à l'autre. C'est dingue, le paysage ici a beaucoup changé depuis tout à l'heure. La luminosité aussi d'ailleurs, on sent qu'on avance dans l'après midi. De toute façon à ce moment la, je n'ai encore aucune illusion de retourner à la voiture, mais plus je me rapproche d'Albertville, et mieux ça sera pour la récup. Arrivé sur le Grand Arc, on m'avait prévenu que ça montait généreusement, et effectivement je trouve assez vite sans doute mon meilleur thermique du vol. du +5 intégré, bien puissant mais pas turbulent, super agréable. Je repasse assez bien au niveau des crêtes que je survole en faisant le plein régulièrement jusque 2650. Mon esprit commence à divaguer, et je me surprends à rêver de boucler...Ne nous emballons pas, c'est loin d'être fait encore.
Y a un gros nuage bien large qui masque maintenant tout ce Grand Arc, cela m'inquiète un peu pour la convection, mais pour l'instant ça monte encore. Je quitte la zone enneigé à 2700 plein de confiance, mais sur l'éperon avec les sapins, ça dégueule fort, et il me reste assez vite plus que 2000 avant de traverser la vallée. Je saurais après coup que ça passait large mais sur le moment, gros psychotage, Jéjé et Stefrex galèrent depuis un bon moment pour raccrocher la Roche Pourrie, au point que je les ai pas mal rattrapé et je peux les apercevoir de l'autre coté. Mais du coup j'hésite à traverser, je renifle un peu partout pour essayer de me refaire avant de faire cette traversé, et au final je perds du temps et de l'altitude...Je commence à plus y croire, et mentalement je commence être très éprouvé... Poser à Albertville c'est pas si mal. La encore, ce sont les paroles de Jéjé la radio qui me donnerons l'ultime coup de motiv. Après pas mal d'effort, ils ont finalement trouvé le chemin pour remonter sur cette Roche Pourrie. Ça remonte très bien en dynamique, parait-il. De toute façon, si j'échoue la vache est pas pire que de ce coté, donc je traverse. En m'approchant du flanc, j'attends impatiemment de me sentir soulevé par la brise frappant la colline. Ce moment arrive enfin, j'attaque les S, ça remonte très vite, la brise ne rigole pas ici.
Arrivé sur la pointe des arbres, c'est un peu l'essoreuse, le nord rencontre la brise et ça donne une masse d'air quelque peu...agité. M'enfin je réussi à enrouler tant bien que mal au milieu de tout ça et arrive au niveau des crêtes. Je commence à capter Damien à la radio et quelques morceaux de phrase : "Gagné.....100 Bornes....pas loin....la...champagne....". Je sens l'excitation m'envahir et je dois me faire violence pour rester concentré. Les gars me disent que ça passe à l'aise à partir de maintenant, mais j'assure quand même le plein à 2450, et file dans la vallée. Léger virage à droite, et l'attero apparaît. Je suis incrédule, je n'ose y croire, je boucle...quelqu'un m'aurait dit ça ce matin au déco, je lui riait au nez.
Je suis mort, j'ai le dos en compote, les réglages de la sellette sont pas encore au point. La descente me semble interminable, j'ai effectivement beaucoup de gaz en rab. J'ai la sensation que je vais m'écrouler lors du posé, et je n'arrive pas trop à me détendre lors de l'approche. Le posé ne sera pas des plus élégants mais je reste sur les pieds.
Me voici au sol accueilli par Damien. Je suis encore incrédule. Ceci est mon 70ème vol et ma précédente expérience de Cross était un petit tour du lac, et une ballade Tournette - Veyrier... Au final, un triangle FAI de 97km, pour 7 Heures de vol. Jéjé et Stefrex ayant reposé au déco, la récup s'en trouve facilité. Ne reste plus qu'à rentrer fissa parce qu'on est pas trop en avance...
Un grand merci à Damien, Jéjé et Stefrex, j'aurais jamais pu faire ce vol sans eux. C'est vraiment génial de pouvoir profiter de l'expérience et de la dynamique d'un tel groupe.
Au final, je n'ai pas eu la sensation d'un engagement déraisonable au cours du vol. L'aérologie était certe tonique, mais j'ai trouvé ça moins malsain que jeudi lors d'un vol local au Semnoz par exemple. Après il faut tenir la durée et éffectivement faire la démarche de partir vers l'inconnu. En même temps, quand on vient de sauver un point bas au milieu des Bauges et que la voiture est encore à 30 bornes, ça aide à continuer l'aventure...
La trace Google Earth :
http://cfd.ffvl.fr/cfd/getTrackFile.php?pIgcFile=2008-05-03-1857-200527-0.igc&pName=J%E9r%F4me%20Ventribout&pTypeFile=kmlLes quelques photos :
http://picasaweb.google.com/jventrib/20080503CrossBisanne