Le point de vue de Manu Bonte pour ceux qui n'ont pas lu Respyr
Arrêté vol libre au Parc National des Pyrénées (PNP), tout ça pour ça !
Le 29 avril 2013, la direction du PNP a pris un arrêté qui modifie les modalités de survol de la zone cœur pour les aéronefs non motorisés.
Pourquoi modifier la réglementation vol libre en zone cœur ?
-Le décret du 15 avril 2009 d'application de la loi du 14 avril 2006 stipule que la direction des Parcs Nationaux doit prendre en compte la spécificité du vol non motorisé.
-Il s'avère que dans le cas du PNP, l'avifaune à protéger niche essentiellement hors parc.
-L'expérience du Parc National des Écrins prouve que la fréquentation reste très limitée, et qu'un accord de ce type permet une véritable synergie entre les acteurs chargés de la protection de la nature et les pratiquants des sports aériens pour une meilleure protection hors zone cœur.
Expérimentation aux Écrins
Au Parc National des Écrins, une convention a été signée en mai 1999, qui a ouvert la zone cœur à la pratique du parapente. L'accord a été reconduit une nouvelle fois en 2013: la quasi intégralité du cœur du parc est ouverte au décollage, à l'atterrissage et au survol de juillet à octobre. De plus, en mai et juin le décollage est autorisé depuis huit sommets majeurs. Il n'y a pas d'autorisation à demander.
Les pratiques du parapente concernées
-Vol de distance : En ce qui concerne le survol des zones cœur, sauvages et reculées, ce n'est envisageable que pour quelques pilotes extrêmement expérimentés (exemple aux Écrins une dizaine de vols en 2012).
-Vol montagne: Là encore, peu de candidats : il faut ascensionner avec le matériel sur le dos, et la prévision des conditions favorables au vol est délicate : le vent doit être faible et souvent d'un secteur précis (aux Écrins une quarantaine de vols en 2012).
Le cas du PNP
Depuis 2004, soit presque une décennie, les représentants du vol libre ont entamé les négociations avec le PNP, qui a montré une belle capacité d'immobilisme. Il aura fallu toute la constance et la pugnacité du Comité Départemental de Vol Libre, ainsi que des interventions politiques répétées (entre autres des élus et de la jeunesse et sports) pour aboutir à cet arrêté. Pourtant, depuis 2007 des directives ont été données par le ministère de l'écologie. On comprend d'autant moins ces blocages que le PNP étant long et étroit, pour beaucoup de ses sommets, un parapente peut être dehors de l'espace réglementé (1000m / sol) en moins de deux minutes de vol. (exemple : Taillon, Marboré...)
L'arrêté en détail
Pour le vol libre, il porte sur les deux pratiques :
Vol de distance
Cinq couloirs traversants sont définis, où la limite d'interdiction de survol est baissée à 200m.
Pour quatre d'entre eux, cela pourrait être satisfaisant si l'arrêté ne réaffirmait l'interdiction absolue de se poser dans le parc. Les jours qui permettront de s'y engager resteront donc rarissimes (ascendances exceptionnelles à plus de 3000m d'altitude).
En plus, pour le couloir 1 (axe Tourmalet - Piau) qui est un des deux couloirs relativement accessibles, il n'est autorisé que du 1 octobre au 30 avril, période qui n'est pas favorable aux vols de distance.
Quand bien même l’atterrissage dans le parc serait autorisé, le cross en zone cœur du parc reste de toutes façons très engagé, et serait pratiqué uniquement sporadiquement par quelques rares pilotes. C'est donc surtout sur le vol montagne qu'on attendait un geste du PNP... et là on est servi !
Vol montagne
Sur toute l'étendue du parc, seuls quatre sommets ont été « autorisés » à des conditions qui rendent l'opération improbable.
Tout d'abord il faut demander une autorisation au moins 72 heures avant le vol. Or identifier plus de trois jours à l'avance un créneau météo favorable, vu les contraintes inhérentes à l'activité, relève de la magie.
Pour la suite, on se demande si les rédacteurs de cet arrêté ont voulu faire preuve d'humour ou s'ils se moquent ouvertement de nous :
Vignemale : ouvert d'octobre à avril avec atterrissage obligatoire au barrage d'Ossoue, or la route d'Ossoue est généralement fermée de mi octobre à début mai (danger d'avalanches).
Pic d'Artouste : ouvert d'octobre à avril, or la route du Tech est généralement fermée de novembre à fin avril. (idem)
Pic du Midi d'Ossau : ouvert un mois par an (!) vers le Nord, l'atterrissage ne peut se faire que dans un secteur notoirement turbulent, et deux mois et demi par an vers le Sud... mais comme il faut poser « en aire d'adhésion » inexistante ici, l’atterrissage devrait se faire en Espagne
Penne de l'Estradère : ouvert d'octobre à avril, un bonheur pour les adeptes des approches interminables dans la neige.
Rien à Gavarnie qui est fondateur de l'activité dans les Pyrénées : on se rappelle du premier vol du Marboré en septembre 1986 par Patrice de Bellefon... et de tous ceux qui ont suivi.
Conclusion :
Certes cet arrêté montre une volonté d'évolution de la direction. Cependant, sa complexité et ses restrictions le rendent sans intérêt. On a l'étrange sentiment d'une mise bout à bout de pièces sans cohérence ni coordination. Quelqu'un au Parc a-t-il essayé de comprendre ce qu'est le vol libre ? Une vraie réflexion a-t-elle été menée sur les bénéfices d'un accord décent ?
Le contraste avec ce qui se passe aux Écrins depuis 13 ans est criant : là-bas, respect mutuel entre le Parc et les associations sportives, synergie pour une meilleure protection qui s'étend en dehors de la zone cœur, mission de sensibilisation et de formation du parc qui est menée à plein.
Ici, au Parc National des Pyrénées, une attitude qui ressemble à une crispation dogmatique : ravitaillement des refuges, EDF, PGHM, CRS etc...annuellement il y a plusieurs centaines de vols en hélicoptère dans le cœur du parc.
Quel avenir pour le vol libre ?
En Bigorre 51 communes sur 56 viennent d'adhérer à la charte du Parc National, ce qui de facto donne pour les 15 prochaines années sans aucune porte de sortie plus de pouvoir au Parc sur nos territoires et notre terrain de vol. Accès pistes*, zones d'exclusion de vol**, on a tout lieu d'être pessimiste sur les contraintes qui s'exerceront sur le vol libre en zone d'adhésion.
Reste le Béarn où environ 60% des communes ont refusé l'adhésion...
Manu Bonte.
http://www.parc-pyrenees.com/diffusion-des-donnees/doc_download/1467-arrete-survol-non-motorise-coeur-du-parc-national-annee-2013.html *un des objectifs de la charte est de limiter l’accès motorisé à la montagne et donc de fermer des pistes à la circulation. La situation se compliquera pour les pratiquants du ski de rando, mais je pense également aux sites de vol comme le Petit Cabaliros ou le Tourmalet..., ou aux vols montagne dont une partie de l’accès peut se faire par la piste (Soum de Léviste, Grand Cabaliros, Pène det Pourri, ...)
** Gypaètes et Percnoptères nichent essentiellement en zone d'adhésion (exemple pour le secteur Argeles : Pic du Midi d'Arrens, Gabizos, Cabaliros, Pibeste...)