Je suis en train de relire Suétone et il écrivait déjà, en son temps, que la vieillesse est un naufrage.
Il n'était probablement pas le premier tant cette maxime colle parfaitement au devenir des humains, et je doute que Chateaubriand ait été le premier en langue française, mais si Manu le dit c'est peut-être lui qui exhuma une vieille citation latine.
Aux érudits du forum de chercher dans le Gaffiot.
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Chateaubriand fut un excellent auteur, pour la beauté de son style et de sa plume, mais un remarquable enfoiré quant à son comportement politique, un ultra parmi les ultras à une époque - la Restauration - très sombre de notre Histoire. La grande bourgeoisie et les ci-devant émigrés de l'ancienne "haute noblesse" dégénérée, qui avaient eu une peur bleue en l'An II et l'An III, avaient sans cesse poussé Louis XVIII, au demeurant un fort brave homme, à commettre d'innombrables fautes politiques prenant les Français à rebrousse-poil. Louis XVI était lui aussi un fort brave homme mais un pauvre débile en politique et le dernier de la fratrie, Charles X, fut encore plus con, rappelant d'autres sinistres imbéciles comme Louis X et Charles IX par exemple.
En 1815-1820, à la louche, les ultras (ultra-royalistes) pourrirent complètement la "Chambre Introuvable" hyper-réactionnaire qui voulait faire oublier la République et la période napoléonienne, sous prétexte de paix. Chateaubriand fut un des plus actifs réactionnaires de la Chambre des Pairs à l'époque du ministère Richelieu-Decazes.
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J'ai lu Atala, René et les Mémoires d'Outre-tombe quand j'étais au lycée, le genre de littérature qui enchantait les ados à mon époque entre Alexandre Dumas et Balzac. Dumas m'enchanta, Chateaubriand m'emmerda et Balzac je ne pus pas le supporter, comme je ne pus pas supporter les romans de Dostoïevski écrits à la va-vite dans une chambre d'hôtel après avoir flambé à la roulette. Comme Balzac, il avait une plume magnifique mais il pissait de la copie pour écrire des feuilletons dans les journaux. Ses romans sont superbes (Crime et Châtiment, l'Eternel mari, le Joueur - autobiographique) mais l'Idiot et les Frères Karamazov sont illisibles parce que trop mal écrits, dans l'urgence et le stress, du n'importe quoi organisé avec talent, certes, mais cela ne se tient pas.
A la différence de Dostoïevski, qui connut le goulag de l'époque (Souvenirs de la Maison des Morts, Mémoires dans un souterrain), Chateaubriand put jouir tranquillement de sa fortune et des honneurs, en laissant libre cours à ses idées réactionnaires (ce qui était son droit).
Un bon mot de lui me plait, cependant : lors du très bref épisode du ministère Talleyrand l'été 1815, il avait qualifié ainsi les deux compères faisant antichambre en attendant d'être reçus par Louis XVIII : "Tout à coup, une porte s'ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, Monsieur de Talleyrand soutenu par Monsieur Fouché."
Ce qu'écrivant (Mémoires d'Outre-tombe) Chateaubriand commet une erreur de grammaire, il aurait dû écrire "entrent" silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, ou mettre une virgule pour dissocier entre "vice" et "appuyé". J'avais fait observer cette erreur à mon prof en 1ère et il avait approuvé.
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Pour revenir à De Gaulle, c'était un "républicain" à la manière de Badinguet (il avait été caricaturé par Moisan sur une page entière du Canard en Napoléon III, sous le titre "Badingaulle"). Il était royaliste au fond et républicain par nécessité parce que la France n'était plus royaliste ni même bonapartiste, avatar de la droite française auquel il se rattachait, républicain dans ses discours, comme put le faire croire le neveu de Napoléon qui se fit élire président de la 2e République pour mieux l'assassiner.
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Il faut bien connaître l'Histoire pour comprendre les ressorts de la politique et en démonter les mécanismes sournois. Après avoir lu "la Restauration" (de Yvert et Waresquiel) et "la vie des douze Césars" (de Suétone) je n'ai été surprise par aucune action des protagonistes de ces époques troublées.
J'aurais été royaliste sous des rois de la trempe de Charles V et de Henri IV, Césariste sous des empereurs comme Trajan et Dioclétien, je ne suis que républicaine comme Robespierre et Louise Michel, certainement pas comme put l'être Platon (la République).
La République, dans l'esprit de nos pères fondateurs (pardonne-moi, Louise) était une sacralisation de la Vertu, magnifiquement résumée par la belle devise qui orne les frontons de nos mairies. Celle de Thiers (un royaliste convaincu) qui fut votée en 1875 par une Chambre royaliste, était déjà une arnaque visant à protéger les fortunes, le capitalisme naissant et les possédants de tout poil, avec l'aval du peuple en utilisant la démagogie et des combines électorales infâmes, et quand le peuple faisait mine de se soulever on l'envoyait se faire hacher sur les champs de bataille, sous un drapeau au symbole très fort.
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La 5e république (pas de majuscule) de De Gaulle est un système monarchique dans lequel une élection-croupion et bien manipulée remplace l'antique monarchie élective des Francs, devenue héréditaire avec le coup d'état de Hugues Capet la transmettant à son fils aîné Robert II en ayant bien manipulé les évêques, puis bonapartiste avec le 18 Brumaire. Le Directoire n'avait pas plus de caractère républicain que notre actuel système politique, il lui manquait Napoléon pour en faire une monarchie et l'article 49-3 pour en faire une dictature.
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On peut encenser De Gaulle par ignorance ou inculture, ou pour donner à des idées de droite réactionnaire un cache-sexe tricolore, ou par connerie. Ce monarque pseudo-républicain, comme le fut Louis-Napoléon Bonaparte, était bel et bien un dictateur, vêtu des oripeaux de la République comme le loup déguisé en grand-mère.
Sa conduite dans les années 46-58 s'inscrit dans cette ligne, sa "constitution sur-mesure de 1958 enfonce le clou et tous les vrais républicains s'étant depuis lancés en politique ont été contaminés par cette illusion perverse.
C'est peut-être pour ça que quasiment TOUS les politiciens français ont une "conduite" de droite.
Salut et fraternité*