Alors... me faire moins piquer de pouvoir d'achat sur ma retraite pour laquelle j'ai déjà travaillé et rempli mon contrat de solidarité avec la génération précédente de retraités. N'oubliez pas et dans tous les cas, je vous le souhaites ; vous y arriverez aussi à cette retraite et au train ou vont les choses... Bref, ne laissez pas le gouvernement opposer actifs, retraités et... chômeurs dans l'eternel tactique de tous dirigeants ; diviser pour mieux régner et régner correspond si bien à notre Roi Jupiter.
Wowo,
Tu n'es pas le seul ici à proférer des jugements à l'emporte-pièce en regardant seulement par le petit bout de ta lorgnette; mais comme tu sembles te faire le chantre des pourfendeurs de la politique sociale du gouvernement, notamment sur le matraquage des retraités, laisse-moi te faire une description sans doute partiale du problème.
En 1968, quand les retraités d'aujourd'hui sont rentrés sur le marché du travail, la population active tournait autour de 23,1 M de personnes, et les retraités 8,7 M. Période de plein emploi, le taux de chômage était inférieur à 4% (moins d'un million de personnes) mais le patriarcat était encore vivace avec un peu moins de femmes participant au marché du travail.
En 2018, la France compte environ 28 M d'actifs (dont 3 à 6 M en chômage total ou partiel) et autour de 21/22 M de retraités ou pré-retraités (sortis prématurément de la population active pour alléger les stats du chômage).
En 1968, les retraités d'alors n'avait pas connu une carrière "à taux plein", car une partie était antérieure aux ordonnances de 1946. Le calcul de beaucoup de retraites, souvent sur des salariés ou des exploitants agricoles qui avaient survécu à 2 conflits mondiaux s'apparentait plus à l'attribution minimum vieillesse (dans mon souvenir, celui de ma grand-mère s'apparentait à un peu près de 25% d'un SMIG de l'époque (800 F par mois en 1990, pourtant elle avait trimé toute sa vie depuis ses 12 ans).
La solidarité dont tu as fait montre à cette époque finançait avec les prélèvements de 3 actifs, un minimum vieillesse de 1 retraité.
En 2018, un jeune actif qui entre sur le marché du travail va devoir à minima pendant 42 ans financer près de 80% de 1389 € de pension mensuelle moyenne selon Le Parisien soit 1,2 SMIC net actuel. Grosse maille en 50 ans, la pression de la solidarité par actif a été multipliée par 8 à 10 rien que pour les revenus de substitution.
L'effort de solidarité sur la branche maladie qui bénéficie principalement aux seniors retraités a lui aussi été augmenté.
Et l'effort de solidarité pour les chômeurs en parallèle n'a fait que croitre depuis le premier choc pétrolier.
Bref la pression de la solidarité sur le revenu disponible du jeune actif, en partie au nom d'efforts consentis autrefois par les seniors n'est plus du tout la même. Qu'importe que ce poids s'applique plus sur la part salariale ou la part patronale des cotisations, l'employeur quand il recrute et propose un salaire réfléchit en terme de masse salariale globale.
Les jeunes retraités ont aussi ressenti cette inflation pendant toute leur carrière, mais la pression qu'ils ont vécue en début de vie professionnelle est sans commune mesure et leur a souvent permis d'accéder très tôt à la propriété ce qui est bcp plus tardif aujourd'hui (double effet de l'allongement indispensable des études vu les qualifications demandées par le marchés du travail et du salaire net disponible vu l'inflation immobilière). Ce sont d'ailleurs souvent les seniors propriétaires qui perçoivent un revenu complémentaire sur le salaire des jeunes actifs au titre du loyer.
Il y a gros à parier que ce même jeune actif, au terme des "réformes" des retraites successives pendant toute sa carrière ne bénéficiera des mêmes conditions avantageuses que toi (durée moyenne de perception de la retraite, niveau de pension).
L'argument, "moi j'ai cotisé, il n'ont qu'à payer" me parait un peu court même s'il est difficile de revenir d'un autre côté sur un contrat social passé avec les retraités il y a plus de 50 ans. Cependant, ceux à qui on demande de l'honorer n'étaient pas nés au moment où il a été proposé.
Mais avant de hurler la mort que Macron t'assassine, je t'invite à faire le calcul de l'ensemble des cotisations salariales (parts salarié et employeur) au titre de la cotisation vieillesse sur toute ta carrière, de l'actualiser et de regarder ce que te servirait un assureur en rente viagère pour ce montant (21 ans d'espérance de vie au départ à la retraite). Je ne suis pas persuadé que tu y gagnerais
Loin de moi l'idée de dire que le parcours professionnel des seniors a été un chemin de roses, je dis juste que l'effort qu'ils ont eu à faire pour leur aînés est très sensiblement inférieur à celui qu'il demandent à un jeune entrant sur le marché du travail aujourd'hui. Aucun de ces retraités ne sera là quand après une vie de labeur à financer leur retraite, ces futurs seniors n'auront ni épargné ni hérité et ne bénéficieront sans doute pas du même niveau de solidarité actuelle.
Quand on rajoute à ça une grande dispersion des niveau de pension dans une même classe d'âge qui ne permet une vie décente à un grand nombre de retraités, on mesure toute la complexité du problème.
Je ne jette la pierre à aucune génération, le problème est complexe et passe sans doute par une meilleure répartition de l'effort entre actifs et retraités et par une participation significativement supérieure des revenus du capital à la solidarité. A ce titre, l'augmentation de la CSG qui a tant fait glosé me parait une bonne piste. En tous cas, ce débat mérite mieux que les slogans réducteurs qui y sont souvent attachés.
FK.