Depuis que je lis ce fil, je me demande quand vous volez alors que les conditions sont paraît-il fumantes
Ma petite réflexion de ce samedi matin, bloqué à Troyes pour un dernier oral de rattrapage à faire passer et je pourrais repartir dans les massifs montagneux voler
Quand je discute avec des parapentistes qui ne connaissent pas mon passé
je suis surpris de l'effet "Voile EN C" (je rappelle que la Sigma 9, choix délibéré dont je fus l'objet de critiques aiguisées est la voile EN C avec certainement le plus petit allongement). Comme si c'était un "but", un "pass pour la performance" alors que ce n'est qu'un moyen de se faire plaisir, et le mien est de mieux ressentir la masse d'air (avec effets parfois collatéraux..). Le changement de B à C étant encore frais, je peux dire que oui on peut faire de grands vols avec une B, oui on peut moins se faire gigoter avec une B, et donc être plus serein mais non le plaisir sur une petite C peut être plus grand, oui il y a des conditions où une C est préférable à une B, oui une C ouvre des horizons plus grands (pas qu'en terme de distance), oui une C est plus vive et donc cela dépend de ce que l'on cherche, de ce que l'on veut dans le parapente entre le plouf du matin avant d'aller bosser, le long vol en restitution le soir avant d'aller dormir, la bataille vers midi dans des endroits thermiques à souhait, se mesurer à la CFD
ou à soi-même, faire des vols de plus en plus audacieux et des destinations de plus en plus grisantes. Vous connaissez cela mieux que moi. Je découvre.
Alors l'effet voile en C (a fortiori voile en D) fait de vous (par rapport à un possesseur de A ou B) un être à part, différent. Alors que ce n'est qu'un moyen.. Mais j'entends souvent "je n'aurai jamais de C ou de D" ou "il faut être bon pilote pour une C ou une D" ou "c'est normal de pouvoir faire de la distance quand on a une C ou une D" etc...surtout quand on sait que ce n'est pas la voile qui fait le pilote MAIS c'est grâce à la voile qu'on devient peu à peu pilote. Les sensations s'affinent, les réflexes deviennent plus automatiques.
Le plus dramatique est l'accident voire le décès dans un loisir. Les raisons - sur lesquelles je ne reviendrai pas sont multiples - vous les avez toutes évoquées. C'est certainement un ensemble de facteurs et parce que l'on pratique une activité à risque, il y a ce fameux risque qui devient plus ou moins grand selon le jour, l'heure, le lieu.
Il y a un facteur chance indéniable (un gars passe 10 secondes avant ou après au même endroit, avec le même genre de voile, avec le même bagage technique et un résultat tout autre. C'est l'air qui veut ça, cet élément invisible qui peut être si capricieux et qu'on ne maîtrisera jamais totalement car imprévisible.
Si l'on part du principe qu'on peut être à la merci de n'importe quoi, alors on sait qu'il y a un risque qu'un pilote avec plus de 10 ans d'expérience, une B, en pleine forme sur un site connu peut s'en prendre une tout de même... mais vous le savez tout c'est cette incertitude qui est exaltante, aucun vol ne se ressemble et quand on décolle, on ne sait pas trop ce que l'on rencontrera comme conditions à la micro-échelle sachant que les macro-prévisions seront de toute façon assez douces pour notre niveau de compétences et notre envie du jour.
Alors quand le dramatique ou funeste événement arrive, notre esprit cartésien a envie de savoir, comprendre, interpréter car on a tous envie de croire qu'on est maître de notre destin, que cela ne nous arrivera pas. Il y a des statistiques de faites, des grands principes d'évoqués, des règles énoncées mais au-delà de la sagesse dont un parapentiste expérimenté doit être normalement doté, il y a l'attrait du vol, l'attrait de l'inconnu et si en plus il y a des facteurs aggravants comme des voyants qui s'allument (fatigue, excitation, compétition, pari...) mais tout cela est l'essence même de l'homme, son désir de faire toujours mieux (plouf / bocal / cross / acro), aller voir plus loin, pousser la porte plus en grand. Depuis qu'on est bébé...
L'émotion nous touche quand c'est nous-même, un proche, une personne que l'on connaît et là c'est le caractère de la personne qui se révèle davantage.
Pour moi, un pilote expérimenté est celui qui arrive à renoncer à un vol en se disant que le prochain (merci je ne sais plus quel participant de ce forum) sera meilleur. Le pilote expérimenté est celui qui ayant franchi quelques marches ne tentera pas de sauter 3 nouvelles marches en même temps mais - et c'est là que je diffère de beaucoup d'entre vous - c'est par l'expérience (parfois traumatisante) que je suis passé, les conseils, écrits donnés étant forcément bons mais mon processus d'apprentissage est radicalement différent de la moyenne.
Puis il y a ce côté fataliste à ne pas négliger : malgré bien des précautions, quand c'est son heure c'est son heure...
Je pense à toutes ces victimes du parapente et à leurs proches. Leur peine et leur émotion. C'est con de mourir pendant un loisir, mais c'est aussi con de mourir d'un cancer, de la cigarette, d'un infarctus, d'un accident de voiture. C'est con de mourir alors qu'on se prélassait sur une plage tunisienne, c'est con de mourir d'un tremblement de terre ou d'une avalanche parce qu'on était au mauvais endroit au mauvais moment. C'est con de mourir tout court mais la mort nous guette tous, sans qu'on sache vraiment l'heure. L'essentiel me semble-t-il est d'avoir fait des choix pas trop cons et de les assumer. Si nous tous voulions réduire le risque de se faire mal ou d'y rester, on ne ferait pas de parapente. Même les plus sages d'entre vous.