Etant le pilote en question, j'aimerais amener quelques précisions.
Mais avant, je voudrais m'excuser devant Tom, Sylvain et les autres à l'atterro pour la frayeur que je leur ai provoqué. J'aurai été certainement comme eux à hurler "secours, putain !" le coeur serré si j'avais été à leur place à l'atterro. J'ai fait une grosse erreur qui aurait pu être fatale en tirant le secours beaucoup trop tard, je n'en suis pas fier, mais je l'assume et je voudrais profiter de ce topic pour expliquer le contexte et apporter des explications qui seront, j'espère, utiles à tous. Puisque je suis encore là pour en parler, autant que les autres profitent de mes erreurs.
Le contexte : je suis un pilote relativement expérimenté qui vole beaucoup ces dernières années, plutôt prudent, voire peureux sur certains aspects : par exemple, j'ai horreur d'être près du relief, car c'est généralement là qu'on se fait mal. L'hiver, j'aime bien faire des ploufs avec les guns des copains, mais je ne me vois absolument pas en dessous au printemps.
Lors d'un stage pilotage en Septembre, nous avons convenu avec le moniteur que j'aurais grand intérêt à me "déniaiser" en pratiquant un peu d'acro de base (sat, décros, wings, etc) afin de mieux gérer d'éventuels incidents de vol ; je vois bien que mes potes qui font un peu d'acro sont bien plus à l'aise que moi en l'air. Ca peut donc paraître paradoxal, mais ma démarche est à la base sécuritaire, même si je ne nie pas que le coté fun me plait bien aussi. Comme ma voile de cross ne convenait pas, je me suis acheté à bon prix une petite Rush2 sur le conseil de pilotes d'acro expérimentés. J'ai commencé à passer des Sats avec, mais je me disais que ce serait quand même bien que je m’entraîne au décro, en ayant déjà fait quelques uns avec d'autres ailes en stage de pilotage. J'avais bien conscience que ce n'est pas une manœuvre anodine, mais à quoi bon en faire en SIV si on est pas capable d'en faire tout seul ? La suite me montrera que c'est quand même pas mal d'en faire un paquet en milieu vraiment sécurisé... revenons donc à l'incident.
Tout d'abord, concernant le positionnement de départ : j'étais bien à peu près là où le conseille Théo, peut-être un poil trop vers la falaise, mais comme l'a dit Laurent, je préférais me trouver au dessus des arbres qu'au dessus du dur de l'atterro, et c'est probablement ce qui m'a sauvé la vie (bien qu'il n'y ait pas énormément d'arbres là où j'ai atterri). Par contre, le cap pris par mon aile lors du vrac a fait que je me suis fait décaler vers la falaise, et je me suis retrouvé au dessus de la petite butte où j'ai impacté pratiquement sans gaz, sans que je m'en rende compte (on le voit bien sur la vidéo que Laurent a faite), car je regardais encore le sol de là où je croyais être.
Ensuite, concernant le vrac lui-même : j'ai fait un tour de frein, et j'ai planté mon décro ; je suis parti légèrement sur le coté frein droit, j'ai d'abord laissé les bras vers le bas (peut-être pas assez tendus au départ ce qui pourrait expliquer la dissymétrie). Voyant que la voile commençait à faire demi-tour, j'ai voulu me mettre en marche arrière de sécurité, mais là je me suis retrouvé doublement twisté d'un coup ! La voile étant revenue formée au dessus de la tête, j'y ai vu une porte de sortie et j'ai relevé les mains pour me détwister, mais je suis reparti dans un shoot, rajoutant encore un tour de twist. Puis exactement pareil, la voile semblait revoler, j'ai essayer de détwister mais je suis encore parti dans un shoot vraiment violent ou je suis passé pas loin de la voile. Là, je me suis dit qu'il fallait vraiment tirer le secours maintenant, quand je suis rentré violemment en rotation et j'ai constaté avec horreur ce mamelon juste en dessous de moi !
J'ai fait secours, mais j'ai bien perdu une à deux secondes à attraper la poignée à cause de la force centrifuge, et j'étais déjà en train d'arriver à balle sur le mamelon. Là, je me suis dit "c'est bon, je vais mourir"...
Coup de bol extraordinaire, j'ai tangenté la pente du mamelon (j'ai du la frotter un peu avec la sellette car à cet endroit il n'y avait pas d'arbres) et je me suis retrouvé planté dans un arbuste, pratiquement sans bobo, l'aile et le secours à peine déplié juste au dessus de moi. J'ai aussitôt prévenu Laurent en radio que tout allait bien. Alexis, ancien entraîneur de l'équipe d'acro était aussi en bas et m'a posé en radio les questions pour s'assurer que c'était bien le cas.
Maintenant, j'essaye d'analyser ce qui c'est passé : en fait, bien que l'aile donnait l'impression de revoler au premier coup, il n'y avait aucune chance que ce soit le cas, car les twists avaient bloqué les freins en position de décro ; j'aurais donc du faire secours dès le premier twist, puisque j'étais dans une configuration irréversible quasiment dès le début. C'est bizarre, j'ai beau avoir vu un paquet de vidéos, lu un paquet de récits où les gars s'en voulaient d'avoir tiré le pépin trop tard, J'ai quand même voulu insister et j'ai fait exactement comme eux ! Sinon, comme dit manue, je trouve que tout va quand même assez vite, les secondes qui ont semblé une éternité à mes infortunés spectateurs sont passées beaucoup plus rapidement pour moi.
Enfin, en plus de ce qu'a dit Laurent, voici les conclusions qui s'imposent à moi :
- Pour les premiers décro avec une nouvelle voile quand on a pas l'habitude d'en faire : en faire un max en milieu sécurisé, jusqu'à être en mesure de les exécuter parfaitement propres tout seul, et c'est encore mieux si on en rate quelques-uns dans ce contexte, ça permet de ne pas être pris au dépourvu quand on doit en exécuter seuls.
- Avec des tours de twist les freins tirés, ne pas chercher à détwister et ne pas se poser de question, faire secours avant que ça ne dégénère encore plus
- penser au cap que peut suivre l'aile lors du vrac, on peut se rapprocher du relief sans s'en rendre compte.
Sinon, coté mental, curieusement, ça va plutôt bien (pour l'instant) ; je réalise que j'ai utilisé le joker de ma vie, mais je réalise aussi que les autres vracs que je m'étais pris jusqu'à celui-là et pour lesquels je stressais étaient finalement bien peu de choses, et que j'avais tord de m'en faire une montagne. Ça ne veut pas dire bien sûr qu'il ne faut pas rester vigilant, ni réduire ces marges, mais ça fait franchement relativiser...
Pour finir, Merci à Laurent et en particulier à flaille, qui a eu la gentillesse de venir me chercher et a porté mon matos sur toute la descente à travers les bois, je remercie par avance les lecteurs de ce fil de leur envoyer une pluie de
de ma part !
Bons vols à tous, fly safe !