Avant-propos : je suis une princesse et ce récit ne changera en rien cet état de fait. Je suis une princesse, un point c’est tout.
Theory vs. Reality
La théorie1/ Partant du constat établi depuis longtemps et récemment confirmé à l’Ubaye Paragliding Contest que je suis une brêle dans l’utilisation de mon instrument de vol et que je néglige des infos précieuses qu’il pourrait me fournir pour mieux voler en compétition, j’ai décidé de prendre le taureau par les cornes en m’attaquant au problème frontalement. Je vais tripoter cet ordinateur de bord une bonne fois pour toutes. Ouh punaise !
2/ En prévision de mon SIV programmé à la fin du mois et pour lequel je flippe grave sa mère la teupuh, j’ai décidé de faire des vols – ploufs pour retravailler tangage/roulis/bébés3-6. Car oui, je suis capable de crosser pendant plusieurs heures, mais je suis une grosse chochotte des manœuvres engagées.
La pratiqueJ’ai ressorti le manuel d’utilisation de mon Compass, (traduit par mes soins, un comble !). Faut se mettre à ma place : déjà une machine à laver, j’ai peur mais alors un instrument de vol tellement performant qu’il te promet même de faire le café (
made in Italy oblige), je te raconte pas ! La lecture du manuel s’avère fructueuse, je passe ensuite sur l’instrument lui-même et je change certains paramètres d’affichage (le truc que je vante tous les ans aux clients potentiels sur mon stand de la coupe Icare- que j’avais jamais osé faire moi-même, bref sans commentaire).
Action => Réaction
Demain mercredi semble une bonne journée pour voler.
Programmation :
La théorieLe mercredi, le funiculaire marche à Saint Hil. Je décide de poser ma journée dans l’idée d’enchaîner les ploufs le matin me permettant de travailler les fameux tangage/roulis/bébés3-6 puis quand les conditions sont installées, je cours une manche d’entraînement, en me basant sur le parcours proposé l’année dernière lors de la compète sport organisée par le club (
https://parapente.ffvl.fr/compet/3220). L’idée étant de comprendre l’information de « finesse à la prochaine balise », et de « finesse au goal », deux concepts obscurs pour moi mais qui font que j’arrive souvent perchator sur le goal, ce qui me désavantage par rapport aux pilotes surveillant leur finesse justement.
La réalitéHier mardi, je me rends au boulot avec le ventre en vrac. Avec tous les médicaments que je prends, ce n’est guère étonnant surtout les anti-inflammatoires qui, à la longue, brûlent l’intégralité de mon tube digestif, de l’estomac aux intestins. Je me rends donc au labo, pas au top niveau bidon mais ça n’a rien d’alarmant, c’est malheureusement assez courant. Allez, on se répète intérieurement je suis une princesse et ce récit ne changera en rien cet état de fait. Je suis une princesse, un point c’est tout. A midi, je me suis préparée des spaghetti
al aglio e peperoncino, pas l’idéal pour le mal de bide mais comme j’ai bien pris soin de me blinder les parois internes à coup de smecta, je mange (je me régale) pleine d’insouciance. Bon en fait c’était une mauvaise idée, l’aprem est pas génial et le soir venu, je me fais un petit bouillon histoire de pas trop insister sur la machine digestive. Je mange quand même deux carreaux de chocolat noir-amandes en guise de dessert. C’est le début des problèmes. Je passe une très mauvaise nuit, entrecoupée de réveils nocturnes douloureux, nauséeux et hautement diarrhéiques. Le matin, je suis un cadavre déambulant bien trop souvent entre le lit et les toilettes. J’écoute France Inter en somnolant, très bon billet de Nicole Ferroni, ah par contre moins passionnante l’interview de Sardou dans Boomerang, je me rendors. Bientôt réveillée à nouveau par mon tractus digestif. Jamais je vais à Saint Hil pour voler, on a inventé la couche pour pouvoir pisser en vol mais son usage s’arrête là. Je suis une princesse et ce récit ne changera en rien cet état de fait… Je trouve de l’imodium, relis les instructions, ok deux cachetons et attendons, ok, un troisième après une autre visite des WC. Trois cachetons, je dois pouvoir aller voler, je me prépare lentement, en mode « low battery ».
Funiculaire de midi. Je suis un cadavre ambulant. Mais je suis tellement contente d’aller voler ! Allez un petit passage par les chiottes du funi, histoire de maximiser mon temps de vol prochain. Plaisir de retrouver les copains du club, de papoter sur le déco en préparant mes affaires. Oh mon Dieu je n’ai jamais été aussi lente. Je prends le risque d’avaler une Pompote, je n’ai rien mangé depuis ce matin et je me dis qu’un peu de sucre ne peut pas me faire de mal. Un dernier passage par les toilettes sèches du déco, je bois une gorgée d’eau, attention à la déshydratation, je suis vraiment trop lente à me préparer mais heureusement Valérie prend son temps aussi donc je ne suis pas trop stressée. On fixe le start à 14h, l’idée est de courir la manche tout en étant en radio, Valérie doit apprivoiser la « petit flèche bleue », moi le concept de la finesse. Je décolle la première, olala je suis pas à l’aise, ça fait combien de temps que j’ai pas volé ?
La dernière fois c’était à Saint Jean-Montclar, le samedi suivant la compète où, pour ne pas changer du reste de la semaine, je suis allée me tanquer en plaine comme une fléchette téléguidée rejoignant sa cible préférée. J’ai posé, frustrée, dans un premier temps – puis franchement agacée quand j’ai découvert que l’herbe était détrempée ne manquant pas de rendre ma voile (mon précieux) toute humide, - puis carrément énervée quand, en ouvrant ma pochette arrière, j’ai réalisé que mon camelback contenant du berocca avait fui, noyant ainsi ma sellette, mon sac de portage et les imprégnant d’une odeur de pisse de chat tenace. Sans parler du moment de pliage de ma Reine, où je constate avec une colère sourde les tâches sur sa robe immaculée à cause de ces maudites sauterelles attirées par tant de beauté… AAAAAAAH PUTAAAIN j’ai crié. J’ai entendu mon écho. J’ai pas voulu embêter les villageois du coin donc j’ai stoppé net mes vocalises et je me suis contentée de maugréer intérieurement un truc du style « putain de sport de merde ce parapente, cette activité à la con, putain mais je vais foutre le feu à ce matos –ah putain non je pourrais même pas, tout est trempé merde putain, je vais le découper avec les dents ah putain, je revends tout putain bordel ».
Je suis dans le péteux de Saint Hil, à essayer d’enrouler au-dessus du déco pour attendre Valérie, et je ne suis pas à l’aise du tout. Je finis par m’avancer vers le tremplin delta, je reprends contact avec ma voile, coucou c’est moi, hey sois pas fâchée, jamais je t’aurais brûlée t’es folle, allez tout doux la belle, ça va bien se passer. On a décidément mis trop de temps à décoller, mon instrument me dit que le start (basé à Saint Naz) c’est dans 5 minutes et j’y suis pas du tout. Pas grave, je progresse vers lui, fais un premier plaf au-dessus des antennes, j’annonce en radio ma position, on me répond qu’on m’entend très très mal. Bizarre, j’ai bien rechargé ma radio hier. Et comme si ça ne suffisait pas en plus du mal de bide, de la remise en selle dans des pétards furieux, en plus ma radio déconne ? Pire mon micro crache un bruit d’hélico, c’est insupportable, je n’entends plus le vario. Je crois que c’est mon pire début de vol
ever. Il faut se rendre à l’évidence, je ne suis pas dans mon assiette et les conditions du jour n’aident franchement pas. Je me fais violence pour progresser vers le Sud, une fois le start validé. Direction le Saint Eynard, classique.
Premier verrou, le Manival, j’enroule à ras le caillou, punaise, j’aime pas ça. J’ai du mal à sortir, je fais des huit, je serre des thermiques, des espèces de boulets de canon qui m’échappent et m’excèdent. J’en choppe un que je ne lâche pas, il me permettra de transiter. J’ai des micros moments où je me sens bien mais globalement je suis quand même pas au top. J’indique mon cheminement en radio, à nouveau Man’s et Serge me disent qu’on ne m’entend pas. Grrr mais pourquouaaa mouaaaa ? Je raccroche de l’autre côté, ça monte, j’avance, punaise mais c’est du rodéo ce truc ou c’est moi qui déconne grave ? Une Leaf light me rejoint, pensée furtive pour Simon parti en Amérique du Sud, ah non mais en fait lui aussi il se fait dégommer, on est deux voiles secouées par des bouchons de champagne mis dans un shaker avec mon micro qui fait un bruit de bouilloire et je suis sensée aller au Saint Eynard dans ces conditions ?
No way ! je suis brassée, je suis saoulée, je dis STOP on va abréger mes souffrances ! Maintenant j’ai appris comment sauter les balises et passer à la suivante
lilalilalou donc je vire le Saint Eynard, je vire Barraux, je vire… bref, je laisse la dernière balise (située au-dessus de l’Isère, de l’autre côté de l’autoroute) et le goal (l’atterro de Lumbin). En avant moussaillon, j’annonce à la radio mon demi-tour, heureusement comprise par Christian qui transmet aux autres. Allez, je rentre à la maison, et ce, en surveillant ma finesse. Je valide la balise, j’ai un point de finesse de plus que celui requis, je trouve ça joueur, et les trois cents derniers mètres qui me séparent du point optimisé me semblent bien longs, balise claquée, demi-tour vers l’atterro, je me trouve basse mais ça porte un peu et puis l’instrument dit que ma finesse est bonne donc ça devrait le faire et puis, au pire ! Plein de terrains où se vacher sont disponibles. Je serre les fesses, j’optimise, punaise, pour un peu je dirais que je suis stressée et je ne suis même pas en compète. Diantre ! J’arrive au goal avec 77m de gaz. Trop contente, d’habitude j’en ai plutôt euh… 1500, je crois que j’ai compris le concept et pour un peu j’embrasserais mon instrument. Deux virages et hop une fois face au vent, je pose. Profitant d’être à Lumbin, je vise la cible. Exercice Matmute ! Précision d’atterrissage ! Bon, ben la Queen elle plane ! la cible est loin derrière mon dos, mais c’est pas grave. Dans cette déplorable confrontation entre la théorie et la réalité, j’ai quand même tiré quelques enseignements. Je profite de ce retour sur le plancher des vaches un poil prématuré pour nettoyer mon aile, tiens tiens, deux sauterelles momifiées, souvenir de Saint Jean-Montclar. Je plie ma voile avec amour, pour un peu, je me mettrais à chantonner : je suis une princesse, c’est une reine, on s’est décidément bien trouvées toutes les deux.
PS : en fait mon micro était mal branché...