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Forum de parapente

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Auteur Fil de discussion: S(c)oupe au Pic de l’Étendard (3464m)  (Lu 4541 fois)
0 Membres et 1 Invité sur ce fil de discussion.
ororange
Invité
« le: 15 Juin 2022 - 21:59:55 »

J’aurai pu me contenter d’un « Effectivement c’était pas mal » à la Jacques (seul CR auquel j’ai eu droit pour ses 7h de vol et 150km entre Aussois et Morzine) … A la place, j’en ai tartiné quelques pages sur mes 10 min de vol (et 4h et quelques de montée) …

Comme un cheveu sur la soupe…

Faut dire qu’elle est tombée comme un cheveu sur la soupe cette sortie. Je l’avais pas vu venir ! Après quelques essais à peu près réussis de décollage skis aux pieds sur des pistes plus ou moins damées, j’avais espéré tout l’hiver tenter un décollage sauvage à ski d’un sommet (en Maurienne, faut-il le préciser ?). Vous allez me dire « mais si tu te fais chier à monter à ski, quel est l’intérêt de redescendre en volant ? C’est bien mieux de skier !!!! ». Alors oui… enfin peut-être… Tous ceux qui m’ont déjà vu skier pourront vous confirmer que, pour les nerfs et la patience de tous les membres du groupe (moi compris), il vaut mieux que je descende par la voix des airs ! Bon, mais les conditions n’avaient jamais été réunies pour mettre ce plan à exécution : trop de vent, trop avalancheux, pas la bonne orientation, pas dispo, trop trop trop et pas pas pas… Et voilà l’été, voilà l’été ohé ! Les fleurs sont de sortie, le vélo, les chaussures de course et le matos d’escalade aussi ! Bref, j’avais laissé tomber cette histoire de vol à ski. J’avais « rangé » les skis bleus et les chaussures noires quelque part dans notre foutoir habituel. Et d’ailleurs, j’avais même pas envie de voler (si si je vous jure, ça arrive !!!).

Mais voilà que Stef envoie une bombe sur le whatsapp du groupe, vendredi 13 mai : « des motivés pour faire le pic de l’étendard demain (ski + vol) ? ». À l’heure de l’écriture inclusive, il aurait quand même pu écrire « motivé.e.s ». Parce qu’on est de plus en plus nombreuses dans ce club et parce qu’il savait que j’avais envie de le faire ce pic, et que moi, suis une fille hein ! Mais il a peut-être cru qu’il n’y aurait aucune nana assez folle pour vouloir le suivre dans cette entreprise... Bon passons sur la grammaire… Et puis en fait je m’en fous de l’écriture inclusive, je trouve ça chiant et inutile, mais c’était juste pour râler Sourire

Dès la réception du message, les fourmillements dans les jambes s’activent. Les voiles, sagement rangées dans le grenier, et les skis à la cave, piaffent d’impatience. Et donc deux mois après avoir explosé à ski au col des Cerces en tentant de suivre le grand Stef, j’ai déjà oublié ô combien difficile cela pouvait être et je réponds favorablement à cet appel. Plus encore, j’ai déjà oublié ô combien c’était long cet itinéraire de l’Étendard… Mais enfin, pire que tout : Philippe-la-fusée est ultra partant pour venir !!!! Personne de « normal » ne se manifeste pour tenter de tirer le groupe vers le bas. Il me faudra donc jouer ce rôle et composer avec les deux lascars… Mais il ne fallait pas laisser passer cette chance d’aller clôturer la saison de ski-vol en beauté et tant pis s’il faudra souffrir un peu (beaucoup).

Historique

Ce sommet revêt un caractère particulier pour moi. En effet, c’est là, il y a plus de 10 ans, que le copain a planté la graine ! Mais non voyons, pas celle-là… l’autre… Celle de cet amour de et pour la montagne qui ne m’a alors plus quitté et n’a fait que grandir chaque jour un peu plus. Je me souviens encore de mes premiers pas sur ce glacier, crampons aux pieds, toute impressionnée par ce dédale de crevasses que je découvrais pour la première fois, le bivouac près des lacs et le lever très matinal.

C’est là aussi que j’étais revenue pour faire le 9e sommet de mon épopée de 30 sommets de plus de 3000m en mai 2017. Avec les raquettes cette fois-là, toujours avec le copain et au départ du col de la croix de fer, nous avions littéralement explosé avec la chaleur, le manque d’eau et la fatigue. Et si j’étais arrivée au sommet, heureuse, la descente avait été un enfer et j’y avais découvert qu’on pouvait s’endormir en marchant ! Jamais deux sans trois, j'ai proposé au copain de faire partie de cette nouvelle expédition pour qu’il redescende à ski à la vitesse de la lumière pendant que nous le survolerions. Mais il n’est pas fou, il m’a répondu « Non merci, l’Étendard, c’est trop long ! »…

En effet, même si nous en avons de bons souvenirs, il n’en reste pas moins que l’Étendard, sommet qui culmine à 3464m et offre une vue majestueuse sur toutes les Alpes, rien que pour l’aller c’est 11 bornes et presque 1600m de dénivelé au départ du col de la croix de fer… Autant dire qu’il y a des longueurs ! Et puis il faut monter au col des tufs pour ensuite descendre vers le refuge pour ensuite remonter vers le sommet mais pas avant d’avoir fait quelques bornes sur le plat. Ce sommet se prête donc vraiment bien au ski et vol :

-->   Si ça décolle, certes, tu ne profites pas de skier cette grande pente sous le sommet mais t’évites de te farcir les longs faux plats à la descente où le ski est monotone et la remontée au col des tufs infernale.
-->   Effet miroir, si ça ne décolle pas, tu es content de pouvoir profiter de skier cette grande pente et même si tu te farcis la remontée au col des tufs et les longs faux plats, ça va toujours plus vite qu’à pied ou à raquettes !
-->   Enfin si ça décolle mais que t’as aussi envie de skier la grande pente, que t’es rapide comme l’éclair Philippe et que t’as pas eu ton compte avec une seule montée, tu peux la faire deux fois, une fois pour la descendre à ski, une fois par les airs… Il ne l’a pas fait ce jour-là mais on sait que ça l’a fortement démangé… Et qu’il en était physiquement très capable !

L’idée est lancée, maintenant il faut s’organiser. Voulant faire un peu de zèle, je m’en vais regarder la réglementation aérienne en ces lieux. Le parcours du combattant pour comprendre à quel document se référer commence. Il y a un SUP-AIP qui a été publié récemment pour l’aérodrome de l’Alpe d’Huez pour des entrainements d’aviation en vue d’un spectacle. La zone de restriction de vol (pour nous) englobe pile poil le sommet... Les périodes d’activité (et qui ne nous permettraient alors pas de voler) sont contradictoires entre le texte et le titre… Ça commence déjà mal… Il y a également un NOTAM associé qui a été publié et notifie une activation de la zone de restriction de vol pile pour ce week-end du 14/15 mai (si j’ai bien compris)… Zut…



Stef se rencarde auprès du coordonnateur au sol sur la situation et après quelques appels téléphoniques, le gars lui dit que c’est tout bon pour nous, la voie est libre ! Bref, je ne sais pas quelle information était la bonne, mais nous, on a retenu que la dernière : feu vert pour le vol ! Alors, assez bavassé, place à l’action !

Départ tout feu tout flamme !

Phil est passé me chercher à 4h45 chez moi. La nuit a été courte mais reposante. Mes affaires préparées la veille sont vite entassées dans sa voiture et nous ne perdons pas de temps en bavardages inutiles, nous décalons direction St-Jean-de-Maurienne où nous changeons de voiture pour monter dans le camion de Stef avec qui nous terminons la route. Je ne me souvenais plus que c’était aussi long de monter jusqu’au col de la croix de fer. Mais en fait, ce n’est pas long, c’est interminable !!! Autant dire que je suis bien contente qu’aucun des deux lascars n’ait proposé de faire une approche en mobilité douce, genre à vélo-ski… mais chut, faut pas le dire trop fort, ils seraient capables de le tenter à la prochaine occasion !

Le col est encore officiellement fermé mais quand on traine avec le responsable des routes mauriennaises en personne, on craint dégun ! Stef nous emmène donc par la route entièrement déneigée jusqu’au col, bravant l’interdiction implicitement formulée par le panneau sur lequel il est écrit sur fond rouge, en gras et en majuscules, « col fermé » et nous nous arrêtons sur le parking où deux ou trois autres véhicules sont déjà stationnés.

La montée en voiture m’a un peu ensuquée et je tente de sortir de ma torpeur pour m’équiper rapidement et efficacement. J’ai encore pris trop de matos avec moi et mon sac est largement trop lourd. Mais on est jamais trop prudent !!! J’allume l’arva, je charge le paquetage sur mes épaules et ajuste les sangles. Phil me met silencieusement une pression d’enfer. Prêt le premier, il attend sans dire un mot que le reste de la troupe soit opérationnelle. Mais bien que silencieux et impassible, je sens bien que dès que l’assaut sera lancé, il s’envolera vers le sommet comme une balle.

Du col de la croix de fer au col des tufs...

6h15 tapante, top départ, Philippe-la-fusée est lancé. Nous marchons, les skis à la main, sur à peine 200m de plat avant de trouver l’enneigement qui nous permet de les chausser et ne plus les quitter jusqu’au sommet. Les belles Aiguilles de l’Argentière à notre droite s’illuminent dans l’aube naissante. Même pas le temps de faire des photos car je sens Philippe sur mes talons, impatient et prêt à me doubler. Dès que l’occasion se présente, il met le turbo et passe devant. Je souffle alors un peu et prends un rythme plus lent mais que je sais aussi pouvoir tenir plus longtemps. Stef se cale sur mon pas pour m’accompagner. À ce rythme pour lui, ça reste encore de la « balade ».

Ça monte quasiment d’entrée de jeu et un gus qui doit avoir deux fois mon âge et un sac deux fois moins lourd que le mien nous double tout guilleret. Quelques mots échangés rapidement nous apprennent qu’il se rend également à l’Étendard. Phil, ayant trouvé un compagnon qui avance à son rythme, passe la deuxième et le suis joyeusement. Nous ne le voyons bientôt presque plus… Bon ben salut l’ami, c’était sympa de faire du covoiturage avec toi Sourire

Il y a environ 500m de dénivelé pour arriver jusqu’au col des tufs. La neige est dure et bien portante ce qui facilite la montée. Stef papote un peu mais j’avoue que pour une fois, encore à moitié endormie, je suis peu encline à discuter, et plus préoccupée à garder un peu de forces pour la suite. Nous échangeons quelques mots, et des levers d’yeux au ciel quand nous apercevons au loin Phil, « le petit point qui bouge ». Mais ce dernier aura finalement lâché le gars pour nous attendre au col des tufs où nous le rejoignons enfin.



Scoop de l’Étendard

Les lacs étant en cours de dégel, nous ne prendrons pas le risque de passer dessus (ou à travers, c’est selon…). Et comme les deux fois précédentes pour moi, il nous faut redescendre au niveau du refuge que nous atteignons à 7h30 pour passer sous le déversoir du premier lac avant de le contourner par sa rive gauche. De l’eau bien liquide s’en échappe pour aller rejoindre le lac de Grand Maison dans une vallée plus bas. Nous remontons à flanc du lac et nous nous employons à avancer sur ce long plat. Le jeu de couleur blanc neigeux-bleu lacustre est toujours aussi magique que dans mon souvenir et je refais la même photo qu’il y a 5 ans.



Philippe correspond de nouveau à un petit point mouvant tout au loin là-bas. Il n’est d’ailleurs pas le seul petit point. Il y a d’autres silhouettes en vue qui ont sûrement été plus malines que nous et aurons dormi au refuge pour gagner du temps, du sommeil et économiser un peu d’énergie ! Mais en fait, c’est tellement marrant de faire ces randonnées d’une traite plutôt que de couper en deux que je ne les envie même pas.

Une fringale me guète et j’imite Stef qui a sorti la barre de céréales pour se requinquer. Pour moi, ça sera mangue séchée-qui-colle-aux-dents, achetée lors d’un périple en Allemagne (enfin les mangues ne poussent certainement pas plus là-bas qu’en France mais sur le paquet il y a marqué Deutschland, alors bon…). Bien contente d’avoir un camelback et de pouvoir boire sans avoir à poser le sac pour sortir la bouteille d’eau, je sirote mon eau additionnée de citron qui a pour vocation, avec une efficacité limitée, de cacher l’horrible gout de plastique de la poche à eau. Mais au-dessus de 2500m d’altitude, on s’en fout un peu de la couleur et du gout de l’eau tant que ça fait le job… Cette courte pause n’aura même pas duré cinq minutes mais m’a fait du bien au moral.



Je me souviens du topo appris en 2017 qui disait « Du refuge à ce point [2850m], s'élever de 400 m en 5 km... » autrement dit, c’est quasiment plat ! Alors, c’est reparti pour avancer sur ce long faux plat. Loin de tout, de la foule et de la civilisation, on aurait pu s’attendre à un peu de sauvagitude. Mais c’était sans compter le boucan d’enfer que font les des deux ou trois avions qui tournoient tels des vautours au-dessus de nos têtes. Les versants à notre gauche doivent offrir un joli terrain de jeu pour ces engins et l’apprentissage de l’atterrissage en altitude et sur la neige. Les vrombissements des moteurs s’intensifient ou s’amenuisent à mesure que les avions se rapprochent ou s’éloignent. Nous les regardons faire et spéculons sur l’aire de poser mais les grandes courbes visibles sur la neige au loin ne laissent que peu de doute sur la zone visée.

Le spectacle n’est pas fini mais nous devons avancer. Après quelques glissés de spatules, nous apercevons une mince silhouette qui descend au ralenti. Si c’est un skieur, soit il est aussi nul que moi pour descendre, soit il a encore ses peaux … Allez, je vous le donne en mille, c’est Phil, qui a laissé son sac plus haut et qui redescend nous chercher histoire d’occuper le temps… Il passe devant un couple un peu éberlué de le voir descendre ainsi et arrive à notre hauteur avec un grand sourire. Il lance :

« Je tiens un scoop ! Je sais pourquoi ça s’appelle l’étendard ! c’est à cause de ces grandes étendues blanches. » Il est trop fier de sa trouvaille, le visage illuminé ! Euh… ok… Faut dire, qu’il y en a des choses à penser pendant tout ce temps à patiner sur le plat, il a du bien se creuser les méninges… Parce que pour moi, un étendard est plutôt un drapeau, militaire qui plus est. Je ne suis donc pas convaincue mais Stef trouve cette nouvelle définition très appropriée. Mes comparses n’étant pas belliqueux pour un sou, va pour la nouvelle définition, on dira que c’est du patois de Philippe… Mais il annonce aussi quelque chose qui fait plaisir « Bon, après ça monte ». C’est pas trop tôt !

Mais avant ça, il reste encore quelques centaines de mètres de plat pendant lesquels Philippe se fait porteur. Il récupère mon sac pour m’alléger, un peu ahuri du poids qu’il fait. « Mais t’as mis quoi d’dans pour qu’ça soit aussi lourd ? » qu’il me dit. On repasse devant le couple qui cette fois-ci n’en croit définitivement plus ses yeux et semble bien envieux de mon porteur personnel.

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ororange
Invité
« Répondre #1 le: 15 Juin 2022 - 22:08:15 »

2e scoop de l’Étendard : il n’y a pas que du plat, maintenant ça monte, et dans la soupe !

Ça y est, on est au pied de cette grande pente et il doit nous rester 600m jusqu’au sommet. Je récupère à regret mon sac sur lequel Phil a à peine transpiré. Il fait une chaleur d’enfer. J’ai déjà retiré depuis belle lurette le pull et la doudoune, il ne me reste plus beaucoup de couches à enlever avant d’être à poil. Je reste donc en T-shirt. J’ai les bras et le visage qui chauffent. Heureusement, Stef est prévoyant. Il extirpe un micro tube de crème solaire de son sac qu’il me tend. Je me tartine le visage. Je mets un buff sur ma tête et ainsi protégée des rayons du soleil, je me sens comme presque rafraichie. Effet placebo peut-être, mais au moins ça a fonctionné un temps.

Nous repartons pour la dernière étape de l’itinéraire et la neige commence à ressembler à de la soupe. Le mec croisé au début de notre ascension est déjà en train de redescendre du sommet. Quand il passe à côté de nous, Stef pose la question ultime « y a du vent au sommet ? ». Mais le gars est ferme : pas un pet d’air là-haut !!! Cette nouvelle nous réjouit et nous pousse à reprendre notre route dare-dare ! Enfin, autant que mes jambes lourdes-lourdes le peuvent...

Nous attaquons les conversions sous un soleil de plomb et dans un air immobile. Nous avons de nouveau perdu Phil de vue mais ça commence à devenir une habitude alors on ne s’en fait pas. Je ne parle presque plus. Stef me suit mais, arrivés à la moitié de la pente sommitale, il est passé devant pour tenter de me tirer vers le haut et me motiver à continuer. Arrivée 200m sous le sommet, j’aperçois Phil qui est en train de redescendre. Ça ne peut vouloir dire qu’une chose, il a trouvé que le sommet n’était pas hyper approprié pour le décollage, ce qui confirmerait mes souvenirs du lieu. Je le vois s’arrêter 50m sous le sommet. J’ai désormais mon objectif et entrevois la fin du calvaire : j’ai déjà fait le sommet deux fois et même si ça me ferait plaisir d’y retourner une troisième pour la vue et partager ce moment de joie avec Stef (puisque pour le partager avec Phil fallait y être bien avant et je ne peux malheureusement pas remonter le temps), je suis cuite et il serait inutile de vouloir aller plus haut.

Même si je ne l’ai pas exprimé, Stef a dû comprendre le message car en quelques coups de spatules, il me distance et s’élance seul vers le sommet. Il passe à côté de Phil où il laisse son sac et s’attaque à la dernière montée pendant que je tente d’atteindre, un pas après l’autre, suffocante et transpirante, la plateforme sur laquelle Phil est déjà quasiment prêt à décoller !!! Je pose mon sac par terre, enfin ! Il est 10h30. Après 4h15 d’effort sans vraiment faire de pause, 1500m de D+ et 11km, je suis rin-cée !



Phil est déjà dans la sellette, les skis aux pieds et les commandes dans les mains. Il me dit « je vais vous attendre en bas ». Avec lui, faut pas que ça traine ! Je le fais tout de même patienter quelques secondes, le temps de sortir la go pro pour filmer son décollage mais dès qu’il a entendu le bip bip bip du démarrage de la caméra, il a viré à 90° dans la pente, hissé le drapeau blanc et s’est envolé sans demander son reste ! Sacré lui ! 



Vol en paix à l’Étendard

Je profite d’être seule sur mon promontoire pour me changer et mettre un t-shirt sec, l’un des seuls trucs utiles emportés dans le sac hormis le parapente. Le reste (crampons, couteaux, pelle, sonde) ne seront venus que pour faire joli, mais après tout, tant mieux ! Je commence à sortir toutes mes affaires, j’enlève les peaux qui sont littéralement gorgées d’eau et mettrons plus de 24h à sécher, et ranger dans mon sac ce dont je n’ai plus besoin. Je prends mon temps mais sans trainer exagérément non plus. Je vois Stef redescendre du sommet, tout content d’être allé là-haut. Après un grand virage, il s’arrête net à côté de moi, récupère son sac puis s’en va chercher le meilleur emplacement pour étaler son chiffon.

Je prépare ma voile là où Phil avait installé la sienne quelques minutes plus tôt. J’ai arrêté de procrastiner et j’ai acheté demandé au copain d’acheter des mousquetons pour remplacer les maillons rapides qui reliaient ma sellette à ma voile, action qu’il s’est empressé d’accomplir. C’était tellement chiant à accrocher/décrocher ces maillons que je laissais le tout toujours accroché et je faisais une gymnastique pas croyable pour rentrer dans la sellette sans trop bouger pour ne pas déstabiliser la voile que j’avais préalablement démêlée. Maintenant, je peux enfiler ma sellette tranquillement et accrocher la voile après en un clic. Et je vous jure qu’à ski c’est vraiment beaucoup plus pratique ! Il m’aura juste fallu quatre ans et un petit coup de pouce du copain pour que ça change... (petit-bonhomme-qui-lève-les-yeux-au-ciel… Comme vous derrière votre ordinateur…). Le démêlage assuré, je termine de m’équiper, mets le sac sur le dos, accroche la voile, et prends les commandes dans les mains. Stef est déjà prêt depuis un moment. Il me rappelle de verrouiller mes chaussures que j’avais laissé en mode marche. Je les bloque et suis enfin prête à partir.



Parfois avant de décoller, j’ai un petit sursaut d’appréhension ou d’excitation selon les jours. Mais là c’est le vide absolu dans ma tête, c’est plutôt marrant ! Je me suis laissé un peu de marge avec les suspentes qui ne sont pas tendues ce qui me permettra de prendre un peu de vitesse à ski avant que les suspentes ne se tendent et que la voile ne commence à se lever. Alors je plante le ski gauche à 90° avec toute l’énergie que je pouvais y mettre pour tenter de donner l’impulsion dans la pente. Sauf qu’en faisant ça, j’ai mis mon ski gauche sur l’autre et que j’ai essayé de ramener le pied droit en même temps… Le gag ! Du coup, j’ai même pas fait 50cm que je suis le cul posé par terre à rigoler de ma connerie. Heureusement, la voile n’a pas bougé d’un millimètre. Je me relève tant bien que mal et retente ma chance en essayant de ne pas faire la même connerie. Et ça passe crème ! Hop, ayé je suis en vol ! Stef semble avoir une meilleure technique que la mienne et ne s’empêtre pas avec ses skis, même s’ils sont immensément grands et il décolle dans la foulée.

Le vol n’est pas des plus confortables. Mon sac, qui n’est pas celui que j’utilise habituellement, me tire en arrière et les larges lanières des épaules entravent mes mouvements. De plus, les nouveaux mousquetons géniaux sont plus grands que les maillons rapides qu’ils ont remplacés. Je me trouve extrêmement basse sous ma voile et mes commandes me semblent être à des années-lumière au-dessus de moi. Le pilotage à bout de bras n’est pas aisé !

Mais ce petit inconfort est vite compensé par le spectacle grandiose tout autour. Stef qui m’a doublé par la gauche en sortie de décollage est maintenant en ligne de mire et semble comme posé sur le Mont Blanc que l’on devine devant nous.



À droite, les majestueuses Zaiguilles d’Arves n’ont pas bougé et pour une fois j’admire leur recto, comme c’est beau ! Je croise la route d’un micro-cumulus qui fait pitié à côté de ceux qui coiffent les sommets italiens à l’horizon. Mais bien contente qu’il ne soit pas plus joufflu celui-là ! Les conditions sont excellentes de ce côté-ci de la montagne. Plutôt calme au-dessus du glacier, il y a tout de même quelques thermiques qui trainent le long des rochers à gauche et je vois Stef remonter un peu. En dessous, j’aperçois quelques taches de bleu azur qui percent à travers le blanc et je devine les contours des lacs.



Nous continuons d’avancer et c’est l’heure de penser aux options. Jusqu’à présent, nous avons longé le relief à notre gauche. Le plan A est d’aller poser au moins au col des tufs voire plus bas, aussi loin que la voile nous portera et de finir à ski. Mais je suis déjà bien basse et soyons lucides je n’arriverai jamais jusqu’à ce col. N’ayant aucune envie de faire un plouf dans un des lacs ou d’atterrir à flanc pour me farcir de repeauter pour remonter, je prends la 2e option qui est d’aller poser à Saint-Sorlin-d’Arves. J’oblique à 45° pour rejoindre le vallon qui descend en direction de la ville. J’avais fait des simulations et avait vu que, même avec une finesse de seulement 6, ça passait jusqu’à St-So. Stef a également pris l’option vallon avec pour objectif de poser près du col de la croix de fer. Je continue mon bonhomme de chemin mais je perds pas mal d’altitude au passage. Je passe un collu qui débouche sur le cône de déjection qui descend de la Pointe de l’Aiguille Rousse et où les restants de neige qui ont dégueulé de plus haut forment des blocs.

Et voilà que je me fais encore plus descendre. Visiblement, je n’ai pas dû faire tout à fait pareil que Stef qui est encore haut et bien plus loin que moi en direction du col. Je repère un peu plus bas une retenue collinaire qui doit alimenter des canons à neige l’hiver et encore plus bas des névés, restes des pistes damées de cet hiver. Mon idée est donc de tenter au moins de rejoindre ces pistes car, le plus loin j’irai, le plus facile ça sera pour descendre à pied ensuite ! Je vais donc me coller à la falaise à ma gauche pour tenter de prendre appui et qui sait, de remonter et aller peut-être encore plus loin. Mais rien à faire, ça descend, et même beaucoup.

Allez, il faut se résigner, ça ne passera pas, même en forçant alors demi-tour. Et puis finalement, il a l’air plutôt accueillant ce petit cône de déjection…. En tous cas, plus que les gros blocs caillouteux qui jonchent le sol juste après… Je m’attends à ce que la réception soit plutôt douteuse vu la forme de la neige, j’ai l’impression d’être au-dessus d’une zone de micro-crevasses ! On est bien loin des pistes damées bien lisses auxquelles je suis mieux préparée et ça sent le crash à plein nez mais je vais quand même m’appliquer.

Je longe le relief et repère la zone où je veux poser. Je tente de me remettre debout mais avec le sac qui me tire en arrière et les skis qui pendant à mes pieds, ce n’est pas chose aisée ! je me tortille dans la sellette et y arrive à peu près. Mais au moment où je m’apprête à atterrir, une rafale de vent de cul me projette un peu plus en avant. Je refais un virage et me pose finalement un peu après la zone initialement visée. Enfin me pose... Les skis touchent le sol, je freine la voile, je m’enfonce à moitié dans la neige et le crash prévu est exécuté avec toute la grâce possible ! La voile retombe devant moi et les suspentes s’emmêlent autour de moi.

En me tortillant de nouveau, j’arrive à déchausser les skis. Mais en mettant le pied par terre, je m’enfonce jusqu’à la taille dans la neige. S’ensuivent cinq bonnes minutes de bataille entre la neige et moi et pendant lesquelles je suis malgré tout une nouvelle fois contente d’avoir des mousquetons qui me permettent de détacher ma voile rapidement pour me rendre plus mobile. Je plie ma voile comme une vieille chaussette sale et la fourre dans son sac. De toutes façons, elle aura besoin d’un bon démêlage et d’un séchage donc inutile d’y passer trop de temps. J’envoie un message à mes collègues avec ma position, regarde quelle est la meilleure option pour rejoindre la route la plus proche. Je charge les skis sur le sac qui s’alourdit alors un peu plus, remets les chaussures en mode marche et c’est parti pour traverser la zone de caillasse, direction les pistes de ski plus bas. Après avoir patiné sur la neige tout le matin, je me retrouve à marcher dans un paradis fleuri, quel contraste ! Mais dans ma hâte de retrouver les copains, j’ai oublié de les photographier.

J’arrive au pied de remontées mécanique et oblique sur la piste bleue qui devrait me ramener pas trop loin de la route qui descend du col de la croix de fer. Le village est en vue et après une petite demi-heure de marche (voire moins ?) je retrouve les deux autres zozos qui m’attendent au pied d’un névé. Sont tout contents et Phil est maintenant beaucoup moins pressé que sur la première partie du périple. Visiblement, tout le monde est conquis. Stef propose de prendre mon sac que je lui cède, comme ça on aura tous bien partagé notre transpiration !

Nous récupérons la voiture garée plus loin. La descente du col est aussi longue que la montée mais maintenant qu’il fait jour, nous pouvons pleinement apprécier le paysage, de voir tous ces vallons schisteux et de constater à quel point les eaux de l’Arvan sont noires et moches. Nous nous arrêtons chez Stef pour boire la bouteille de blanc que Phil avait ramenée en prévision de la réussite de notre expédition, manger une plâtrée de pâtes que Stef avait prévue pour nous requinquer après tant d’effort et des beignets de fleurs d’acacia que j’ai ramenés pour ajouter des sucres rapides au cocktail !

La vidéo ici :https://www.youtube.com/watch?v=aZXRWcaDWIw

ou là :

http://www.youtube.com/watch?v=aZXRWcaDWIw
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« Répondre #2 le: 17 Juin 2022 - 13:23:53 »

Merci du partage,
nous avons aussi fait ce vol rando (à pied), compliqué aussi pour nous, (posé au dessus des lacs comme on a pu !!) j'avais redécollé au dessus du refuge pour un vol raz cailloux jusqu'au col de la croix de fer et posé dans un fort venturi
La vidéo https://www.youtube.com/watch?v=qiIbaXQ1Uos
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« Répondre #3 le: 23 Juin 2022 - 10:02:36 »

Un régal de te lire et de voir ces belles images ! Je me disais justement il y a quelques jours que ça faisait un moment qu'on avais pas eu droit à un beau récit... 

 bravo

(et en plus, la vidéo est super chouette ! )
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Pour passer le temps quand ça vole pas, des vidéos de parapente dans les Pyrénées : https://www.youtube.com/channel/UCf6CbyFnr0nfK-N7PgdbOfw?view_as=subscriber
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