Je rappelle que décoller à l'Aiguille du Midi n'a rien à voir avec un décollage lambda sur une moquette du genre St Hil, Planfait, Montmin, Plaine-Joux etc, ou sur herbe du genre Revard, Allevard, Montlambert, Planpraz etc...
A l'Aiguille, on est en HAUTE MONTAGNE glaciaire, c'est un terrain très différent et, si les gestes techniques pour le gonflage et le décollage sont les mêmes, l'exposition est complètement différente.
Chacun peut marcher sur une bande peinte au bord d'une route mais marcher sur une poutre dans un gymnase est déjà différent, traverser en paroi sur une mince vire de 10cm avec 500m de "gaz" est une tout autre affaire.
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Je n'ai décollé que deux fois en nord à l'Aiguille, en septembre 2009, sans crampons, en sachant parfaitement que je n'avais que quelques pas avant d'avoir sous les pieds une pente sur laquelle s'arrêter est impossible. Il faut avoir de l'air, une technique parfaite et c'est tout facile, mais si la neige en surface n'est pas tassée, ou si le vent est faible ou travers, on risque sa peau.
Face voile parfaitement maîtrisé obligatoire, évidemment.
Je n'aimerais pas décoller en nord en biplace parce que si le passager a la trouille et s'arrête ou dérape, le pronostic vital est engagé.
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Le décollage sud est moins stressant mais il y a en contrebas une gigantesque rimaye (très profonde) et se mettre dedans laisserait peu de chances de survie. Il m'est arrivé plusieurs fois de décoller dos voile, en cavalant à donf avec la voile qui exigeait d'être pilotée pour pouvoir rester dans la trace, je ne suis pas certaine que ce soit aussi facile que sur une moquette.
J'ai toujours décollé bien avant la rimaye mais j'ai vu des gens se mettre en vrac, brrrr !
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Aux Grands Montets, c'est encore autre chose.
Le décollage sur le glacier d'Argentière a de la pente et en général la rimaye est recouverte d'un tapis plastique pour que les gens ne se mettent pas dedans, mais le passage est étroit et fait venturi. Il arrive souvent que ce déco soit cul, on décolle alors versant Mer de Glace et la pente est faible, faible, il faut cavaler avant que la voile consente à porter, et on arrive très vite sur une zone de crevasses pas sympathiques, en général on décolle avant, au pire on peut les sauter, mais question plaisir c'est moyen, bonjour Mme Adrénaline, vous allez bien ?
Le déco vers Argentière n'est pas plus commode parce que le glacier est crevassé (j'ai une fois secouru un skieur qui était tombé au sous-sol).
Je n'aime pas décoller aux Grands Montets.
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Décoller au Mont Blanc est parfois très facile, parfois très compliqué et souvent impossible. C'est encore autre chose.
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C'est chouette de voler en haute montagne mais ce n'est pas à la portée de n'importe qui et avoir une bonne technique ne suffit pas tant les conditions sont déterminantes, et là c'est l'expérience de la haute montagne qui prime.
Il vaut mieux renoncer plutôt que tenter de décoller "à l'arrache", mais ce qui est facile à l'Aiguille, du fait du téléphérique, ne l'est pas au Mont Blanc, là il faut aussi être un alpiniste expérimenté.
La haute montagne est un autre monde et celui qui s'est trompé a rarement la possibilité de corriger son erreur.