Avec la North Sails Revolution, Robert Graham, voilier expérimenté mais aussi compétiteur parapente, initiait une famille d'ailes dont l'assemblage et les qualités de vol confirmait l'adage : "ce qui est beau vole bien"
http://www.para2000.org/wings/north/revolution-photos.htmlIl n'y avait qu'à regarder au sol le soucis avec lequel était conçu les assemblages, l'absence des plis grossiers qui boudinaient ces contemporaines et surtout LA maniabilité qui fit la réputation d'ADVANCE. Il faut dire que Robert Graham n'a jamais sorti une voile dans la précipitation, peaufinant, comparant, testant dans toutes sortes d'aérologies pour obtenir des compromis touchant presque la perfection
Presque parce que depuis la Revolution de 1988 jusqu'à la Sigma 2 de 92 et ses énormes renforts de Dacron ourlés de Mylar, le gonflage était... "technique"
En clair, sans brise, vent ou pente soutenue, ça gonflait mal!
Cette paresse se retrouvait à basse vitesse où les ailes s'enfonçaient irrémédiablement (surpris par un gradient, il valait mieux se préparer à une bonne roulade avant)
Mais une fois amenées à leur bon régime de vol, elles ont incarné de véritables surfs dansant dans la masse d'air, réagissant avec précision à la moindre sollicitation des commandes, se positionnant à la demande en roulis comme en tangage, comme suivant la volonté du pilote qui progressait à grand pas s'il acceptait de se mettre au tempo de sa partenaire de danse
Dans le cas contrainte, maintenue à trop basse vitesse ou pour une charge alaire trop faible, elles devenaient rétives, les bouts d'aile des Sigma se chiffonnaient sans cesse, le bord d'attaque des Omega flappait et les ailes "saluaient" les erreurs de pilotage des pilotes pas au niveau de leur destrier
Effet collatéral : on ne s'endormaient pas sous ces ailes qui n'étaient pas des bêtes de somme à soaring interminables mais des chasseuses de thermiques !
Alors que la majorité des pilotes "bourrinaient en accroissant leur masse musculaire au fil des vol (Athlete!), les ailes de Robert Graham étaient conçues pour être pilotées du bout des doigts - Pas étonnant que ces ailes aient été si appréciées par nos féminines : Elizabeth KNAFF, Nanou BERGER pouvaient rester en l'air autant que leur vessie le leur permettait pendant que l'acide lactique rongeaient les bras musclés de ces Messieurs !
Ces voiles étaient bien équipées. L'accélérateur à plaquette des Sigma était un joli montage d'aluminium permettant de bénéficier d'un bonne plage de vitesse que l'on pouvait associer aux oreilles pour descendre rapidement si cela était nécessaire et d'autres manœuvres nouvelles.
Xavier Remond dont ont été médiatisés par Ushuaia les exploits en Namibie, dans son duel à distance avec Ulli Weismeier pour la quête du record mondial de distance en parapente Mais paradoxalement, ce n'est pas vraiment un souvenir de vol qui est le plus vif dans ma mémoire mais plutôt l'apprentissage de l'impact qu'a ce sport sur notre entourage qui est bien plus grand que le cercle de nos proches.
Ce beau dimanche d'été, j'achevais un beau vol thermique en montagne dans un vallon sauvage sur le versant nord des Pyrénées. Parvenu vers 13h00 haut au dessus du village où ma mère avait été institutrice, plein de confiance, je m'essayais à une toute nouvelle figure que je n'avais jamais vu faire ailleurs que dans les magazines spécialisés : la descente aux "B"
Après un premier essai timide, j'y allai franchement et répétai la manœuvre en pleine confiance. Comment pouvais-je penser alors que des dizaines d’œils suivaient émerveillés à la jumelle puis... totalement angoissés mes évolutions, me voyant dégringoler du ciel, s'attendant à ce que je m'écrase d'un instant à l'autre... Un premier m'avait aperçu et identifié (lors d'un précédent vol) et c'était ainsi un groupe d'amis qui m'ont accueilli au sol...
Il leur a fallu pas mal de self contrôle pour se retenir de ne pas me mettre des coups de pied au cul quand je leur ai expliqué que tout cela était volontaire !
La Sigma a ainsi été la voile la plus formatrice que j'ai piloté, autant techniquement qu'humainement. Et je n'ai jamais oublié cette leçon: on n'est rarement seul dans le ciel et nous devons nous y comporter avec humilité et respect, pas comme des "trompe-la-mort".
Mais ça c'était avant...
Avant l'acro et les siv improvisés tous les dimanche et jours de fêtes sur tous les sites en vue
Aujourd'hui, qui se préoccuperait d'une voile en vrac ou encore sur la tranche à quelques dizaines de mètres du sol ?
Évolution ?