Ce qui fait l’accessibilité d’une aile de parapente, c’est sa plage de vitesse et la facilité avec laquelle il est possible d‘exploiter celle-ci pour décoller et se poser.
Les ailes actuelles présentent à minima un ratio de deux entre la vitesse mini stable et la vitesse maximale stable que l’on peut obtenir grâce à l’efficacité de leurs volets et à celle des systèmes d’accélérateur et/ou de trimmers dont elles sont équipées.
A cette plage de vitesse exploitable est associée des coefficients de portance encore plus étendus.
En effet, si le Cz d’une aile de compétition peut n’être que de 0.25 (lui autorisant de fortes accélérations), en abaissant au maximum ses volets, le pilote peut considérablement accroître ce Cz (d'un facteur supérieur à dix fois par apport à une configuration lisse) pendant quelques dixièmes de secondes, sans décrocher.
Le joker du biplaceur
Ce « boost » instantané de portance peut sauver la situation d’un biplace dont le passager s’effondre dans sa sellette , en arrachant l’équipage du sol (comme il peut rétablir momentanément l’équilibre d’une aile déséquilibrée par un cisaillement violent) pour le mettre en vol parallèle à la pente.
Mais cet « off-set » de niveau a un prix : l’accroissement de la traînée qui va ensuite infléchir la trajectoire de l’aile vers le bas.
L’aile vole alors à une vitesse inférieure à celle de son taux de chute mini, dans une attitude dénommée 2nd régime de vol
Dans cette attitude, il faut le rappeler, l’équipage est on ne peut plus vulnérable :
- les commandes sont quasi-inopérantes (l’aile manque de vitesse et le pilote ne peux plus que manœuvrer les volets en « positif », c'est-à-dire relever les commandes) ;
- l’incidence est très (trop) élevée et la vitesse très basse (la stabilité de l’aile peut être bouleversée en une fraction de seconde par le moindre cisaillement, causant un décrochage ou une fermeture massive et un demi-tour instantané vers la pente).
Le savoir faire du pilote encore pris au piège –si la pente le lui autorise- va consister, après avoir réalisé son "off-set", à :
- relever progressivement les mains pour réduire la traînée, en donnant un peu d’instabilité à son aile en gardant un peu de volet,
- rétablir son aile sur un angle de plané plus élevé, à minima parallèle à la pente,
- puis reprendre de la vitesse en relevant complétement les mains pour s'éloigner -cette fois définitivement- du sol et récupérer avec la vitesse de la manoeuvrabilité et de la résistance aux cisaillements.
Sans alimentation favorable, on constate que la majorité des décollages en biplace se font ainsi -en pousse-misère- dans une grande précarité.
Si la pente n’est pas suffisante et/ou si le pilote ne relève pas les mains pour permettre à l’aile de prendre enfin de la vitesse parallèlement à la pente, l’aile va inévitablement reposer l’équipage… en pleine accélération !
La manœuvre dite du « pumping » exploite ce même effet, mais à l’envers.
Et là, je pense que ceux qui savent lire entre mes lignes ont déjà compris que cette manoeuvre de « pumping » n’est vraiment pas ma figure préférée !
Pour mieux comprendre ensemble à travers les interprétations qui vont suivre comment cela fonctionne… ou pas (!) suivant les ailes, je vous invite ici à vous référer aux schémas des posts consacrés aux profils des ailes et à l’influence des variations de leur topologie sur leur équilibre longitudinal et leur stabilité.
http://www.parapentiste.info/forum/techniques-de-base-du-pilotage/la-relation-incidence-ressenti-pilote-t45756.0.html;msg584585#msg584585http://www.parapentiste.info/forum/incidents-accidents-de-parapente/je-ne-comprends-pas-ce-crash-t46007.0.html;msg577041#msg577041 et aussi
http://www.parapentiste.info/forum/incidents-accidents-de-parapente/je-ne-comprends-pas-ce-crash-t46007.0.html;msg577106#msg577106La manœuvre du « pumping » - Description
Globalement, en quoi consiste-t-elle ?
En produisant une succession d’abaissements rapides des commandes, suivis d’un relâchement partiel et contrôlé des volets jusqu’à une position voisine du taux de chute mini, et en répétant cette séquence plusieurs fois de suite, le pilote va abaisser sa vitesse et "casser" la finesse de son aile.
Ce faisant, il perturbe l’équilibre de son aile et modifie sa topologie pour créer ce que j’appelle « l’aile-instable-élémentaire » : un profil creux, fortement porteur, à centre de poussée oscillant de l’avant vers l’arrière à chaque fois que les volets sont abaissés au maximum.
Si ce recul n’opérait pas, l’assiette de l’aile serait instantanément modifiée à cabrer et le profil décrocherait, comme c’est le cas d’une aile très stable centrée avant à fort moment de stabilité à cabrer qui ne supportera pas la manœuvre.
A contrario, des profils adaptés aux basses vitesses, des structures internes (joncs sous l’extrados entre les C et les D) ou des dispositifs spéciaux (tels que les jetsflaps de Skywalk) favorisant le développement d’un profond volet sans décrocher, vont permettre au pilote de disposer d’une plus large plage de 2nd régime de vol, souvent désignée sous le terme (abusif dans ce cas, car l’aile continue bien à avancer) de « parachutale ».
Dans cette phase transitoire, l’instabilité tangage de l’aile, crée par ces grands volets, va permettre à celle-ci de se remettre en incidence de vol plus progressivement mais aussi de façon plus exploitable par le pilote parce que le volet ne décrochant pas (ou plus lentement), il peut être exploité pendant tout le relevée des commandes, après chaque abaissement maxi des volets.
N’en persiste pas moins la grande vulnérabilité de l’aile ainsi maintenue à basse vitesse et à grande incidence, et le danger objectif que présente cette manœuvre si l’on s’y risque dans des zones ou l’on risque de rencontrer de fortes turbulences ou des cisaillements marqués comme ceux qui sont associés à des déclencheurs thermiques tels que : rupture de pente ou crêtes escarpées, arêtes cassés, profils concaves, etc.
Danger qui est considérablement accru par le fait que l’approche finale se fait sous le vent de la zone de poser.
Ce qui laisse peu d’opportunités de s’entraîner à pratiquer cette manœuvre autrement que haut au dessus du sol ou en conditions laminaires dans une ascendance dynamique faiblissante, sur un relief très progressif et par une journée peu ensoleillée.
Bref, à l’exception de voiles montagne employées ces conditions très restrictives, c’est de mon appréciation de la roulette russe : si l’on y joue trop souvent, on est sûr que tôt ou tard… on gagnera… en perdant gros !
D’autant qu’il existe une manœuvre notablement plus sure et aussi efficace dans 90% des cas (cas où il n’y a pas d’obstacle dans le secteur correspondant au trois-quarts face pente au vent de la zone de poser).
Nous y reviendrons plus tard.
En attendant, nous allons voir comment ne décliner que les qualités de la manœuvre du « pumping » sans ses défauts… où presque !
C’est le virage dissipatif.