Matmute resurrection
Rise = monter, s’élever ; se lever, se mettre debout
And Jesus said “rise, take up thy bed, and walk”
And the Rise of Skywalker.Bref, je suis allée voler hier et je revis.
Ce n’est un secret pour personne : l’hiver est ma saison détestée. Froid mouillé. Manque de lumière et de thermiques. J’hiberne en attendant le retour du Printemps. Je dois ma survie à grand coups de lectures et de vidéos me permettant de voler par procuration. Et puis je suis désormais l’heureuse propriétaire d’une SuSi 3, qui me permet de faire des vols rando mais clairement, c’est un outil que j’utilise pour faire du sport entre midi et deux, de manière fun et express. Je suis en manque de bipbip, de thermiques qui sentent le pin chaud et l’herbe coupée. Je dépéris.
Ajouter à cela une crève associée à un système immunitaire un poil défaillant et vous retrouvez la Matmute rabougrie au fond de son lit. Heureusement les jours rallongent ! et la crève se fait moins sévère ! Hier une belle journée est annoncée sans vent. J’ai regardé les émagrammes et j’ai l’impression que ça va être ultra stable mais il fait tellement beau ! et puis la neige tombée ces derniers jours fait briller la Chartreuse et les massifs alentours, c’est un appel à la contemplation et… à l’action.
Alors quand Nico me propose d’essayer le dernier jouet d’AD, la Rise 4, je délaisse ma Queen avec une pointe de regret -le pire c’est que je me dis que de toutes façons vu les condis…bref je ne veux pas vexer la Rise mais je fais comprendre à son altesse que je reviendrai bien assez tôt vers elle. En route vers le déco, c’est cool, il y a du monde, les gens sourient, le soleil brille et moi j’ai un nouveau joujou dans le sac hihihi. Le déco moquette est praticable, la neige qui le recouvre est en train de fondre, on pose les sacs et on observe. Mouiiii ça a l’air de tenouiller. Tiens ça vaut peut-être le coup d’allumer le vario.
Je me prépare tranquillement, la voile est très belle dans la lumière de cette journée à la visibilité parfaite, on a une vue de ouf sur le Mont-Blanc, par contre je mets un peu de temps à me préparer, moi qui ai pris l’habitude d’enfiler une sellette string à la vitesse de l’éclair me voilà toute endimanchée dans mon cocon. Nico décolle avant moi, je le suis. On a des conditions nulles à léger face, travers gauche. Je choisis de faire un face voile (la cocotte est sensée être légère non ?) la voile monte sans aucun souci et me voilà dans les airs. Youpi ! Passé le moment de réjouissance de « ça y est je suis en vol », je dois vite passer aux choses sérieuses, il y a quand même pas mal de monde qui se bat dans la combe magique, et les conditions sont loin d’être évidentes.
On a affaire à un belle couche d’inversion qui recouvre de ouate le fond de la vallée jusqu’aux première collines de Belledonne. Cette traîtresse empêche les thermiques de monter et de s’épanouir, seuls les noyaux les plus ardents parviennent à s’en détacher et non sans mal. La frontière des thermiques est clairement hachée et les noyaux scélérats, difficiles à cerner. Me voilà donc au milieu de la meute de Saint Hil, sous une voile inconnue à tenter de m’accrocher aux petits pétards que je croise. Je passe un sale quart d’heure, je n’aime pas la proximité des autres, les falaises me font peur, je veux garder des marges qui m’empêchent d’enrouler correctement. Argh que c’est dur ! j’ai perdu Nico, je m’éloigne un peu, reprends mes esprits, je me parle à voix haute : « tout se passe bien Mathilde, la voile est gentille, c’est la reprise, calmos tout ira bien ».
Allez on y retourne, la Rise est super maniable, c’est moi qui ai des petits blocages psychologiques. De nouveau à hauteur de falaises, j’ai peur (des arbres dessous, des gens autour), je fuis. Direction la cascade. Comme elle est belle, son eau retombe à grand fracas et créé un nuage de vapeur qui se détache dans la lumière de cette magnifique journée de Février, je m’en approche hypnotisée… tiens je n’avais jamais remarqué toutes ces échelles tout autour, ce doit être la via ferrata… Mon esprit se calme, je suis prête à retourner au combat. De toutes façons aujourd’hui, on ne fera pas de bornes donc autant travailler le thermique. Je suis beaucoup plus à l’aise à prospecter toute seule, écartée des falaises mais dès que je monte, je retrouve les autres et on le sait tous, « l’enfer c’est les autres ». Misère de misère !
Quand tout à coup je reconnais Jonathan Marin enroulant avec une magnifique Gambit immaculée qu’il a à l’essai. Est-ce que c’est parce qu’il a choisi une voile assortie à son sourire étincelant, je n’en sais rien mais toujours est-il que mon noyau m’emmène irrésistiblement vers lui. OUH PUNAISE ! je n’ai jamais vu le bord de fuite d’une voile d’aussi près ! non mais sérieux, il n’y a pas assez de mètres carré pour toutes ces voiles ! je plante un frein et me casse direct, cette fois vers le Nord. Je me parle encore « Mathilde, tu as prévu de faire de la compète cette année, va falloir te forcer un poil à enrouler avec tous ces gus, prend-le comme un entraînement pour voler en grappe sereinement » [oui, je me parle beaucoup en vol].
Dès que je m’éloigne, je me sens mieux (mais c’est quoi cette espèce d’agoraphobie ? Matmute !), je passe direct en mode
trouvons autre chose pour monter. J’adore faire des hypothèses (tiens ce versant caillouteux orienté Sud, est-ce que ça ne serait pas un bon déclencheur ?) et que l’aile me le confirme. Et le bipbip. Je suis un vrai poisson rouge, un tour de bocal, et hop je suis de nouveau d’attaque. J’adore la Rise. Elle indique très clairement le thermique, elle est maniable, et communique bien ce qu’elle traverse, c’est un plaisir à piloter. Allez go, je reprends du gaz. Combien de montée et descente aujourd’hui ? Punaise, il y a cette fille qui vole en Leaf 2, qui s’en sort bien mieux que moi, ça me vexe un peu. Mais rebelote, falaise+monde+arbres qui tendent leurs branches décharnées vers moi => vallée.
C’est quoi ce mental à deux balles ? Je m’exaspère un peu aujourd’hui mais je m’en sors toujours ^^
Vu que j’ai du gaz, je me dis que je pourrais faire des petits 3-6, je regarde l’heure sur mon vario. Cela fait 55 minutes que je vole. Je me dis « bien, il faut voler au moins 1h, 1h de pilotage actif, c’est bien pour un vol de reprise ». J’essaie de faire un peu de tangage, j’y vais pas comme un porc mais clairement la voile est bien stable, idem pour les 3-6 elle n’y va pas comme une demeurée. Bon, faut dire que j’y vais peut-être trop gentiment mais je suis comme ça moi, je suis une fiotte des manœuvres engagées. Me voilà à 400m d’altitude, je vise la manche à air de l’atterro pour préparer mentalement mon approche. Et puis je passe au-dessus de ce bout de forêt en amont du centre équestre à côté de la pente école. Le vario passe de -1.1 à -0.6 argh c’est trop tentant. Le
low save (hors conditions réelles) est mon exercice préféré. Je m’applique, j’enroule patiemment, le ciel se vide peu à peu de ses voiles et la lumière prend des reflets orangés. Je suis maintenant complètement à l’aise avec la Rise et lui indique ce que je veux quand ce n’est pas elle qui me tire par le stabilo « puisque je te dis que le noyau est làààà ». Je kiffe.
Je monte piano piano, et voilà le miracle s’accomplit : je suis à hauteur de falaises et nous ne sommes plus que quatre. La meuf à la leaf, un mec en BGD et un autre qui a la même voile Sky Paraglider que mon ami Stefano, ce qui me le rend tout de suite sympathique. Je n’ai plus peur, je vais pouvoir m’exprimer sans rentrer dans quelqu’un. J’apprivoise la vue des arbres et des manches à air qui s’agitent dans le vide. Tiens, une SuSi 3 vient de décoller et fait la belle sur le pilier Sud. Notre petit groupe enroule en cœur, nous nous surveillons, je veux repasser au-dessus de la crête pour pouvoir poser au déco Sud. Je suis à 900 mètres d’altitude. J’y suis presque. Punaise, comme je suis impatiente ! Ce vol est décidément un entraînement à bien des égards. Je fais des 8, je perds 100 m. Argh, je ne veux pas descendre. Concentre toi Matmute concentre toi !
Et puis soudain, il est là,
the noyau, il est intense juste ce qu’il faut. Je ne lâche pas, je survole les arbres puis les prés, j’ai vaincu ma frousse et laissé les autres pilotes en plan. Je pose sous le déco. Mais tellement heureuse ! Un coup d’œil à l’instru, j’ai volé 1h30. Je jubile, il est 16h, j’appelle Nico surpris que j’ai posé en haut « mais comment t’as fait ? » me demande-t-il ? Je réfléchis un instant et lui répond « je me suis battue comme une lionne ».
Matmute is back!