Montée à pied peu après Hery, en direction du Col de l'Arpettaz. La masse d'air bien instable est annoncée propice aux développement de congestus donnant des averses l'après midi.
Nous décollons dans le but de rester hors relief ( Charvin / Montlambert / Arclusaz / Grand Arc / Ugine ).
Dès le décollage, avant de raccrocher les faces Est du Charvin, je remarque que Fred se prend de gros pétard faisant cabrer sa voile. Rien d'affolant.
On remarque des voiles au Meruz. Jean Marc CARON sous IP7 décolle.
Je prends un bon thermique sain verticale Meruz. Puis plus rien.
Je m'avance vers Ugine pour sonder. Masse d'air désordonnée, en l'air je vois les cums défiler sur l'arête du Charvin, sens de la brise ( et du Nord ) Annecy 6> Ugine.
Je reviens en direction du Meruz en prenant soin de ne pas enrouler proche de la falaise. La masse d'air est désordonnée, je sens des trucs bizarres et ne prends plus de photos. C'est en enroulant à droite ( micro à droite ) que j'annonce à Fred : " C'est malsain ".
Je suis à la même altitude que Jean Marc. Je le vois se prendre un bon thermique. Je vais vers lui, rien...
Je m'éloigne 20 secondes à la recherche d'un thermique, et reviens vers cette position initiale.
Je prends alors un véritable boulet de canon vertical. Ma voile part derrière. Je reste bras haut pour ne pas la freiner. Mais cela ne suffit pas. Décrochage dynamique. A ce moment précis, je me dis que ce n'est pas un endroit où il faut faire secours ( falaises / pentes raides avec ruptures, peu d'arbres amortissant, brise forte ). Je repense à cette réflexion que l'on s'était faite avec Damien et Jérome.
La voile revient au dessus de la tête, déconstruite avec asymétrique ( ou cravate, je ne sais plus trop ). Demi Twist. Je redresse. Décrochage complet pour faire reset ( peur de l'autorot, ou attaque oblique tumbling ). Ma hauteur sol me semble suffisante. J'ai Fred en visu, je sais qu'il m'a vu.
Je remonte les mains aux maillons. C'est ok, la voile est reconstruite. Je regarde en bas. J'estime à encore 3 secondes avant de faire secours.
Je me mets bras haut complet. La voile ne repart pas. L'impression d'être dans l'ascendance qui m'empêche de revoler. Ma voile est au dessus de la tête, à peu prêt en forme, mais ne vole pas.
Je mets ma poignée droite dans ma main gauche, bras haut.
Je me penche pour regarder ma poignée de secours. Je la saisis, et la jette le plus loin possible à l'horizontale.
Ouverture immédiate du secours.
Mon aile par alors vers l'avant et se gonfle immédiatement. Je tente de l'affaler, c'est dur.
Je regarde le sol. Que des choses cauchemardesques. Je ne descends pas vite. Par contre j'ai une dérive horizontale marquée.
Je sors mes pieds du cocon, pour préparer à me raccrocher dans une falaise, ou une pente raide... chose que ne sert à rien, mais bon.
Je vois mon point d'impact arriver. Je vois que je vais être dans un petit arbre de 2 mètres qui longe un couloir. Je suis rassuré.
Impact sol très faible.
J'entends le bruit des feuilles. La brise est forte. Je sens que cela me tire par l'arrière. Je crois alors que mes sangles de parachute sont accrochées dans l'arbre. Je me retourne, et horreur, c'est mon parachute de secours qui est gonflé, et qui m'arrache de mon arbrisseau. Je saisis la dernière branche, accroche mes pieds sous le tronc horizontale, et tente de neutraliser mon secours de toute mes forces.
J'y arrive au bout d'une minute.
Fred me demande si ça va en l'air. Je lui dis oui, pas blessé, secours neutralisé.
Jean Marc passe devant moi. Je l'entends dire " t'es raide". Après réflexion, il m'a dit " fait gaffe, c'est raide".
Je souffle un coup, et tente de me sécuriser sur mon petit arbre. Cette fois ci, c'est ma voile de parapente qui se gonfle. Dilemme : ayant ses suspentes prisent dans l'arbre, la voile me servait d'éventuelle vache en cas de chute. Mais en se gonflant, elle peut me faire chuter. Décision prise, je largue ma voile.
Allant bien, sans aucune égratignure, je me trouve des missions. Première mission : sécuriser les choses importantes ( autre que moi ) : ma radio, mon téléphone ( secours ). Je coupe mon trakeur livetrack24, pour signaler que je vais bien.
Seconde mission, récupérer mon secours. Horreur, j'ai laissé mon couteau à corde dans mon sac montagne la veille. De plus, pas de pince type LeatherMan pour ouvrir le maillon. Sans pince, l'unique solution et de le plier dans la poche arrière de la sellette. Pour se faire, je dois donc enlever ma sellette en équilibriste. Chose faite.
Je fais une pause, et discute avec Fred. Soulageant de ne pas se sentir seul. Les jambes tremblent un peu ( peur ), puis ça va mieux
J'ai une grande soif. Fred me confirme qu'il a mes coordonnées GPS grâce à LiveTrack24. Il m'indique qu'un témoin a prévenu le 112. Fred signale à son tour que je ne suis pas blessé, et qu'une intervention immédiate n'est pas nécessaire.
Ayant fait le point avec lui, on se laisse, et lui indique que je tente de récupérer ma voile. Elise m'appelle, et me demande si je rentre manger ce midi. Je lui dis que non, et que je suis dans la merde. Je lui indique que ma position est sur livetrack24.com.
Quand j'ai largué mes élévateurs, ils sont partis hors de portée sous l’élasticité des branches. Je tente alors de descendre de mon petit arbre. D'une main, je prends le tronc, de l'autre je tends la main pour tenter de saisir une suspente.
Je regarde vers le bas, et commence à comprendre que je n'ai pas d'autre issue de secours que le vecteur aérien. Je suis pas à 100% de ma forme avec le choc ( psycho )
Ca y est j'ai agrippé une suspente, puis 5, puis 10. Les dégainées ne sont pas dans l'arbre. Je récupère la voile sans casser une suspente. Le tissu était dans le vide. Aucun accro. Je mets alors la voile en boule dans mon sac ( delight ), puis la sellette, et le reste. Rien ne dépasse du sac, je peux appeler le PG sans leur apporter une difficulté supplémentaire quand au matériel. Il faut que je me dépeche. Si ça part à l'orage, Dragon ne pourra peut être pas venir. Et quel temps fera t il demain ?
Je repasse en contact radio avec Fred. Sa radio n'a plus de batterie. On peut communiquer qu'une demie seconde.
Il comprends que je vais déclencher le PG, et définissons la zone de dépose éventuelle par des " oui" et "non" ( durée < à 1 seconde ).
Je fais le 112. Après la plateforme, je tombe sur Modane ( semaine CRS ). Je communique ma position, mes coordonnées GPS, mon altitude, le fait que j'ai replié mon matériel, et que je suis main gauche couloir quand l'hélico est face à la pente.
Il m'informe qu'Annecy interviendra.
Je lui indique que je suis capable d'attendre quelques heures, et que mon secours n'est pas prioritaire.
5 minutes plus tard, Jérôme du PG d'Annecy m'appelle. Je fais le point avec lui, et m'excuse encore de déranger la permanence pour ça. Mais je n'ai pas le choix ...
Je lui indique je serai sur la fréquence FFVL.
Fréquence que j'ai oublié avec la chute de l'adrénaline. 143 875 ? 143 975 ? 143 9875 ? Fred m'indique la bonne.
15 minutes plus tard, Dragon est là et entame la liaison radio. S'en suit un radio guidage pour l'amener sur un contact visuel avec ma position.
Jérôme sur porte sur ma position au treuil. Je plaints le pilote qui se fait chahuter. Petit bilan rapide, pas de PCI. On treuille le sac, le parachute de secours étant neutralisé. Puis je mets la culotte. Je demande à Jérôme de tout vérifier. Je suis victime aujourd'hui, et ce n'est pas un exercice !
Treuillage ok, avec départ dans les arbres. Dépose au col de l'Arpettaz.
Je discute en Anglais avec 2 Allemands qui pensait que je m'étais fais déposer pour aller décoller. S'en suis une discussion sur la gratuité du secours et les risques.
Quelques gouttes tombent. Je sors mes battons pliables du sac, et tic tac tic tac, je marche, en direction de Fred qui doit remonter la voiture.
Je marche.... J'ai mon sac dans le dos. Je n'ai rien.