Moi qui joue parfois ici les moralisateurs sur la sécurité, qui suit quasiment pour l'emport du secours obligatoire, et bien je rejoins à mon tour le peloton des pilotes accidentés. Je raconte malgré tout ici mon incident, car il y a pas mal de facteur humain en jeu, et une bête erreur de pilotage à l'origine de mon accident.
Lundi, après avoir ramené mes fils à Lille chez leur mère, je décide de profiter de la belle météo annoncée pour faire un détour par Clermont Ferrant et le Puy de Dôme que je convoite depuis des années. Le détour par Clermont ne rallonge pas trop le trajet Lille-Cahors, ca vaut le coup de tenter la chose, au pire, je découvrirai le train à crémaillère qui est maintenant opérationnel et qui n'existait pas quand j'avais essayé de voler au Puy de Dome en 2009 mais sans succès car le vent était trop fort.
J'arrive sur Clermont vers 12h. Je vois au loin le Puy de Dôme et me demande si ca va voler ou pas ne voyant pas de voiles en l'air. J'ai hâte d'arriver, je voulais arriver plus tôt, mais j'ai dormi plus tard que prévu dans ma voiture au retour de Lille (trajet Cahors-Lille le dimanche). Nuit dans la voiture sur une aire de repos de l'autoroute, test de mon duvet et matelas de sol qui devaient me servir pour mon projet de rando-bivouac-vol pyrénéen en juin ou juillet. Confortable. Ca va.
Peu importe, j'ai raté le vol du matin que je voulais faire, mais j'ai tout mon temps, je peux rentrer tard à Cahors, pas de contrainte horaire.
Au fur et à mesure que je me rapproche du Puy, j'aperçois une voile en l'air. Me voila rassuré, ca vole.
Arrivé au parking du train, me voila encore plus rassuré, il y a des parapentistes partout. Je repère trop rapidement l'attero car j'entends une annonce du départ proche du train et le suivant est 40 minutes plus tard. Je prends mon abonnement (annuel car je compte revenir ici bientôt, ce site est magnifique). La demoiselle nous rassure car le panneau météo annonçait 50km/h au sommet !! C'est la météo du 9 mai, leur balise est en panne et ne donne plus le vent. Des parapentistes ayant déjà volé parlent de 5 à 15km/h de vent en haut. Parfait.
J'embarque dans le train.
Je me remémore les discussions d'avant travaux quand il y avait polémique sur le fait que ça allait gâcher le site et le rendre impropre au parapente, je crois au contraire que ca l'a rendu plus pratique. Une navette toute les 40 minutes, tout confort. Ce site est grandiose.
J'arrive au sommet.
Je passe jetter un oeil à la cafétéria, j'ai pas mangé encore et je dégusterai bien une spécialité locale mais je reviendrai plus tard, je vais faire un premier vol avant.
Je rejoins la meute des parapentistes qui se préparent. Il y a ceux qui sont monté en même temps que moi et pleins d'autres qui étaient déjà là.
Je regarde plusieurs décollages, je suis content. Belle journée, belles conditions. Les décollages se succèdent et tous prennent de suite un très gros gain sans que ca ne paraisse trop fort.
A mon tour je me prépare.
Je laisse passer 2 ou 3 pilotes pressés, puis à mon tour j'y vais.
Décollage sans problème, je me suis adapté à la dynamique de ma Spantik qui monte un peu plus vite que ma NK1. Maintenant je n'ai plus de souci de gonflage comme j'avais pu avoir sur mes premiers vols avec ma nouvelle voile.
Et c'est parti pour un grand beau vol dans le bocal élargi. J'hésite presque à partir en cross, je suis à plus de 1700 et passe un grand moment entre 1600 et 1800 (le déco est à 1406), je survole plusieurs fois le Puy, je contemple le paysage, magnifique, grandiose.
Puis je tombe sur un truc, assez grand, et je grimpe, 1800, 1900, 2000, 2100, 2200, 2285 m !!!
WOAW ! Mon record d'altitude.
Grand questionnement, est ce que je pars pour le cross tant convoité ou est ce que j'en reste à ma sage décision de faire du vol sur site peinard, pour découvrir tranquillement ce site. De toute façon, je vais y revenir sous peu c'est sur (je suis un aveyronnais radin, faut bien que je rentabilise mon abonnement annuel, je vais pas laisser les auvergnats se gaver sur mon dos hein...
)
L'appétit venant, je décide d'aller poser tranquilou. J'hésite entre pose au sommet ou aller à l'attéro.
Je ne vois personne poser au sommet, je n'ai pas suffisamment encore de connaissance du site pour poser au sommet sans préparation préalable (je n'ai pas analysé cette option, pouvant profiter du train de toute façon). Je pars donc poser à l'attéro.
Je suis un pilote qui prend la même option. C'est long la descente de si haut par rapport à mes sites habituels avec 160m de dénivellé.
Je vois le pilote devant moi choisir le terrain d'atterrissage le plus éloigné de la gare de départ du train. Ca me convient, je le suis. J'ai de la marge, je fais une vraie PTU avec remontée au vent, vent arrière, étape de base, finale.
Et c'est là que le sketch arrive, sur la fin de ma vent arrière, il y a quelques déclenchements au sol, je durcis mes commandes pour tenir ma voile, je fais mon étape de base freiné, mon dernier virage freiné, et au moment de la remise en ligne droite, le cumul de la sortie de virage, de la sortie de la sellette (passage assis/debout), de la sortie de la bulle thermique et du gradient de sol et une persistance de mon freinage pour "tenir" la voile font que je me retrouve en sous vitesse et je décroche en finale à environ 5m sol (un peu plus ou un peu moins ? si le pilote qui a posé avant moi et m'a parlé lit ce post, qu'il n'hésite pas à me donner sa vision de mon sketch, je suis preneur d'un regard externe).
Je remets bras haut pour essayer de regonfler la voile, la hauteur est trop basse pour le secours, il me faut amortir au mieux ma chute. La voile ne regonfle pas, elle est en espèce de torche, je fais malgré tout un freinage pour faire une ressource comme si je posais normalement. Au point où j'en suis, il me faut freiner le plus possible pour ralentir ma chute.
Aucun souvenir de l'impact.
Je me relève difficilement, groggy, sonné, à 4 pattes. Tout les membres bougent, je crois que tout va bien, je fais signe du pouce que tout est ok au pilote qui a atterri avant moi. Du coup il part reprendre le train.
...
...
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Ma vision revient. Que se passe t'il ? Je vois mon champ visuel passer du noir à une vue claire, comme un objectif qui s'ouvre, un petit cercle au milieu au début et le champ de vision qui s’agrandit.
Je retrouve la vue mais je n'ai que la vue qui fonctionne. Je ne sais pas où je suis. L'ouïe revient au bout de quelques minutes, puis l'odorat. Je commence à reprendre conscience, je fais l'analogie avec un système informatique qui reboote et je trouve çà amusant, mais je ne sais toujours pas ce que je fais là.
Je reconnais le Puy de Dôme. Mais qu'est ce que j'y fais ? Quand est on ? Je me rappelle alors de mes fils que j'ai ramené à Lille la veille et que je suis venu voler ici. Mais pourquoi ai je si mal ?
Il me faut plusieurs minutes d'associations d'idées pour remettre en route la mémoire mais tout revient. Le vol, le sketch à l'atterrissage, l'autre pilote qui m'a dit de me relever et de marcher calmement pour éliminer l’adrénaline que j'ai du accumuler dans mon décrochage au ras du sol.
L'impact ne revient pas.
Peu importe, je me rends compte que j'ai du boire, j'ai presque fini ma bouteille. Je regarde l'heure sur mon téléphone... 15h19....
Je ne peux pas contrôler précisément avec mon vario, il n'était pas à l'heure lui mais j'ai décollé vers 13h et fait environ 1h de vol. Je suis donc resté groggy et sans souvenir, conscient ou pas je ne le sais pas, je suis resté inconscient prêt d'une heure.
Je suis sonné, mais je vais un peu mieux, j'ai retrouvé presque toute ma mémoire, sauf l'impact et cette heure. Malgré quelques douleurs, j'arrive à plier ma voile. Je retourne à ma voiture poser la voile, faire une sieste pour récupérer et avec l'intention de remonter au sommet non pas pour voler, vu le choc, je ne serai pas en état de voler, je vais juste aller manger un bout avant de prendre la route pour 3h pour rentrer à Cahors.
En prenant le train, je parle de mon sketch à un parapentiste qui voit que je ne me tiens pas normalement. Il me conseille vivement d'aller faire un scanner à l'hôpital à Clermont, ayant lui même vécu ce sketch et eu des complications à des vertèbres.
J'écoute sagement son conseil et décide d'aller à l'hôpital. Je fini la montée en train vers le sommet, comme je dois attendre 40m pour la descente, je mange une glace et prend une bouteille d'eau. Une grosse douleur dans le dos me rend le simple fait de rester debout ou assis pénible. Sage décision de ne pas reprendre la route pour Cahors. Avant la discussion dans le train, je voulais rentrer et aller à l'hôpital à Cahors le lendemain si les douleurs persistaient.
Je prends le train de descente. Je prends la voiture, je ne sais pas à quel hôpital aller, je mets urgence clermont sur google maps et rejoint le premier hopital, c'est un du centre ville, 20 minutes de route pour arriver sur des urgences pédiatriques qui ne peuvent pas me prendre, mais ils m'envoient à une clinique proche. A la clinique, je fais mon admission, mais ils me disent plus de 4h d'attente, ils sont débordés. Une infirmière fait un pré diagnostic et voyant que j'avais été inconscient me dit on ne peut pas vous traiter ici, vous devez aller au CHU. Elle me donne l'adresse. 1/4h de route pour y aller. Conduire m'est de plus en plus pénible. Ironie du sort, le CHU où je dois aller était tout proche du Puy de Dôme, et j'aurai pu m'éviter quelques kilomètres qui ont été fort pénibles.
Les urgences me prennent en charge. Pas trop d'attente, 1h je pense. Arrivé vers 19h30, je suis pris en charge vers 20h30, vu mon état complètement groggy et le récit de mon sketch, ils pensent au pire, ils ont l'habitude de recevoir des parapentistes blessés. Minerve par précaution, allongé pour éviter tout mouvement parasite. Suspicion de fractures de plusieurs vertèbres dont une cervicale.
Je passe au scanner vers minuit ou 1h. Confirmation de 2 fractures sur une vertèbres lombaire et une dorsale. Heureusement rien d'autre !
On me retire donc la minerve mise par précaution, ce qui me soulage, le port de la minerve seul me faisant mal.
Le médecin de neuro chir qui s'occupe de moi m'explique qu'il y a 2 options, ou corset ce qui demande 24h de fabrication et sortie le jeudi ou opération par cimento plastie qui se fait rapidement et sortie prévue le mercredi. On m'envoie en chambre pour la fin de nuit.
Je reste surpris de la rapidité avec laquelle on m'annonce ma sortie, j'ai conscience de la chance que j'ai dans mon malheur. La perspective de l'option du corset par contre me déplaît. Je connais par personne interposé les complications qu'il peut y avoir et la longue rééducation qui s'en suit, je préférerai l'opération même si là aussi, je suis surpris des délais qu'on m'annonce. Mais trop groggy et fatigué, je n'ai pas su poser des questions. Je fais confiance et je m'endors. Mardi matin réveil un peu douloureux, il me tarde que l'infirmière vienne me remettre de l'anti douleur, je vois la poche vide à coté de la perf.
Ouf, elles passent, ca va mieux. On vient m'expliquer que je vais avoir une cimento plastie et que je passe vers 14h en salle radio où ce fait cette intervention.
On commence à m'expliquer l'intervention. Ca fait un peu peur, la perspective d'avoir un marteau et un burin qui vont me perforer les vertèbres pour y injecter du ciment peut déstabiliser. Le fait que ce soit sous anesthésie locale et pas générale aussi. Mais soit, je fais confiance, je suis tellement surpris que ca puisse se passer si vite moi qui m'étais déjà imaginé des mois de convalescence que le fait que ca puisse aller si vite me donne envie de faire confiance et annihile toute peur.
Vers 10h/10h30 on vient me chercher un peu plus tôt que prévu. Je descends en salle d'attente. Je papote avec l'anesthésiste, qui me dit qu'il faisait une rando hier au Puy et qu'il ne m'a pas vu, sinon, il aurait su qu'il allait me retrouver au bloc aujourd'hui. Je lui raconte que je n'ai pas appelé les secours et suis venu tout seul aux urgences ne croyant pas que c'était si grave.
Il y a un parapentiste parmi les internes du service et ils ont l'habitude de traiter nos bobos, ils me confirment que j'ai eu beaucoup de chance car mes lésions sont au final bégnines. Vers 11h c'est mon tour. Ca fait tout drôle, mais je leur fais confiance, je me détends le plus possible, l'anesthésie de confort à base de morphine fait son effet et je sens à peine la piqûre des anesthésies locales sur les 2 vertèbres à traiter.
Je ne sens pas le passage de l'aiguille qui va envoyer le ciment, par contre effectivement je sens les coups de marteau qui la font rentrer dans la vertèbre. Comme on me l'a décrit. Je suis les conseils de l'anesthésiste et pense à mon prochain vol au Puy de Dome et à mon futur cross.
Je ressens l'injection du ciment dans la vertèbres, comme décrit aussi, ce n'est pas douloureux mais une sensation étrange comme si on gonflait un ballon à l'intérieur... C'est de toute façon ce qui ce passe, du ciment qui rejointe et reconstitue la vertèbre.
Les 2 vertèbres sont faites, l'anesthésiste diminue la dose de morphine de l'anesthésie de confort et je reprends immédiatement conscience tout comme il me l'avait dit. Je ne ressens plus de douleur. L'intervention se faisant sur la table du scanner sous scanner pour contrôler la position des aiguilles, je suis prêt pour un scan de contrôle. Tout va bien.
Il est 12h/12h30 environ quand j'arrive en salle de réveil. A 14h je suis de retour à ma chambre, n'en revenant pas de ce qu'il vient de se passer. Plus aucune douleur dans le dos. Par contre maintenant, je ressens la douleur des endroits qui ont du impacter ou toucher des trucs dur à l'attéro, mais plus aucune douleur au niveau des vertèbres.
On me confirme que je pourrai me lever en fin d'après midi et que je sors le lendemain à 14h.
L'assistance de la FFVL s'occupe de mon rapatriement. Nickel, seul bémol, ils ne veulent pas s'occuper de ma voiture, je dois aussi faire intervenir l'assistance auto. Alors que les ambulanciers le lendemain me diront qu'ils auraient pu venir à 3 et conduire ma voiture à Cahors. Bref, ca va coûter plus cher au final, mais ce sont les arcanes insondables des assureurs !
Vers 19h, on me fait me lever. C'est miraculeux, je marche. Je vais aux toilettes. Je n'ai jamais été aussi content d'aller pisser sur mes 2 pieds !
Dîner léger. Nuit paisible. Mes proches sont aussi rassurés, ils ont crains le pire pour moi.
Mercredi matin, lever, petit dej, passage au toilette, me levant tout seul, c'est vrai ce qu'ils m'ont dit que je remarcherai normalement presque de suite.
Préparation de la sortie. On me met même dehors car ils ont besoin de la chambre pour un autre patient. Je patiente dans la salle d'attente.
Les ambulanciers me ramènent à Cahors. Trajet inconfortable qui m'a beaucoup fatigué. Je me demande même si je n'aurai pas du rentrer en voiture, ma vieille C5 est plus confortable que l'ambulance qui m'a ramené. Mais bref, me voici ici, à écrire ces lignes.
J'ai eu de la chance.
J'ai commis une grave erreur de pilotage, en arrivant en sous vitesse en finale. Je crois avoir écrit ici même que c'est une chose à ne pas faire. Sécurité = vitesse en finale..... Je le sais, mais je ne l'ai pas fait. Facteur humain ? Fatigue ? Euphorie de mon premier "plaf" à 2285m ?
Bref quelques secondes de mauvais pilotage m'ont conduit à l'accident.
J'ai eu de la chance, j'ai lu ici même qu'il y avait eu d'autres accidents dont un décès ce même jour.
Je m'en sors bien, même à la limite mieux qu'avant l'accident car je sors avec un dos tout neuf.
Par contre quelle conclusion en tirer en ce qui concerne ma pratique ? Oui j'ai envie de revoler, mais est ce que je peux prendre ce risque vis à vis de ma famille ?
En conclusion de ce long post, 2 questions :
- si le pilote qui m'a vu me poser peut me décrire mon attéro scabreux, je lui en serait reconnaissant, j'aimerai un regard externe sur les conditions de mon vrac, même si la sous vitesse et le décrochage sont clairement la cause du sketch.
- comment avez vous géré si vous avez été accidenté la prise de décision de revoler ou de ne pas revoler ?